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Des nouvelles du Prof Molimard

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Message  alexandra Ven 11 Déc 2009 - 15:49

Le Formindep (collectif pour une formation médicale indépendante) offre sur son site formindep.org une tribune régulière au Prof Molimard.

Voici les deux dernières:

"La société doit résoudre les deux problèmes posés par la fumée : nuisance que les non fumeurs trouvent insupportable, et risque pour la santé des fumeurs. L’unique réponse est répressive : interdictions, augmentations de prix. Elle est populaire, puisque les non-fumeurs ont une écrasante majorité absolue des 2/3, savourent de ne plus être enfumés dans un restaurant ou un train, et que les fumeurs les soulagent d’une part de leurs impôts.

La solution serait que les fumeurs s’arrêtent. On ferait d’une pierre deux coups : confort des non-fumeurs, et levée de l’énorme tribut que paient les fumeurs de leur santé et de leur argent. Ce n’est pas si simple. Le tabac crée une puissante dépendance. Il suscite une DEMANDE. Elle veut être satisfaite. L’Histoire le démontre, elle le sera. En moins d’un siècle après sa découverte, quand n’existaient ni presse, ni radio, ni télévision, ni industrie tabagière, le tabac a conquis la terre entière par le seul bouche-à-oreille. Que valent nos interdictions et nos amendes, quand ni le sultan turc Amurat IV qui coupait le nez ou la langue et décapitait les récidivistes, ni le pape Urbain VIII qui excommuniait ne purent empêcher cette diffusion. La politique menée est un échec clair. Elle ne combat pas le tabagisme. C’est une politique ANTI-FUMEURS.

Or un fumeur se sent déjà coupable dès sa première cigarette du matin. De gaspiller l’argent du ménage, de risquer d’abandonner à la misère sa veuve et ses enfants, de son impuissance à s’arrêter. Si l’on en rajoute en l’accusant d’assassiner son voisin avec sa fumée "passive", la réaction normale est de s’enfermer dans une citadelle, un tabagisme "retranché". [1]

Tout tabacologue sait qu’il doit travailler AVEC et non CONTRE son fumeur s’il veut être utile. Quoi d’étonnant que le Ministère de la Santé irlandais (Slàn) reconnaisse que depuis l’interdiction dans les pubs, le pourcentage de fumeurs soit passé de 27 % à 29 %, qu’en France la baisse du tabagisme des mineurs soit stoppée, les ventes de cigarettes augmentent malgré la contrebande croissante, la fréquentation des consultations de tabacologie et les ventes de médicaments de "sevrage" s’effondrent. Pour la première fois depuis que je l’ai créé en 1986, le Diplôme de Tabacologie de Paris est passé en deux ans de 153 à 60 étudiants ! Comme si tous pensaient que la loi a définitivement réglé la question du tabac. Pourquoi un tel aveuglement ? Le fumeur est la seule véritable victime du tabac. Face aux considérables enjeux financiers, son sort ne pèse pas lourd. Qui aurait intérêt à ce qu’il s’arrête ?

Surtout pas l’état. Depuis Colbert, il a compris que le tabac était un pactole fiscal. Pourquoi vouloir le tarir ?

Pas plus l’industrie tabagière. Comme toute industrie, elle ne vise que le profit. Son intérêt évident est de conserver ses clients. Pour diminuer le risque, elle voudrait faire lever l’interdiction du tabac à sucer en Europe. L’exemple suédois démontre qu’il est 90 % moins nocif que la fumée. C’est l’arme absolue contre le tabagisme passif et les incendies. Mais ses tentatives sont combattues comme venant du démon. Quelques apprentis sorciers voudraient l’éliminer en la ruinant par des procès. Mais cela ne supprimera pas la demande. Une industrie officielle, c’est un interlocuteur, ça se contrôle, on peut formuler des exigences. Si elle disparait, cultures et fabrication iront dans quelque pays africain, on trouvera n’importe quelle herbe toxique dans les contrefaçons, des filières mafieuses de contrebande se développeront. La répression policière fera monter les prix, donc les profits du trafic. L’argent transitera par les paradis fiscaux, alimentant petite et grande délinquance. Ne nous voilons pas la face. Cela se développe sous nos yeux.

Pas davantage l’industrie pharmaceutique. Nouvelle venue dans l’arène, parée de l’auréole des quelques médicaments salvateurs, sa préoccupation première est aussi le profit. Son intérêt n’est pas de guérir les fumeurs, c’est de leur vendre des médicaments, si possible à vie. On voit pointer le bout de l’oreille avec messages scandaleux comme : "Si vous ne pouvez arrêter de fumer, diminuez votre risque avec des gommes à la nicotine". Ses lobbies puissants infiltrent les centres de décision, tiennent les media par la publicité. Le thème du "tabagisme passif" a justifié la cascade d’interdictions en Europe. Ma démonstration qu’il s’agissait d’une grossière manipulation sponsorisée par l’industrie pharmaceutique, pourtant publiée dans une grande revue courageuse, n’a eu aucun écho [2]. Aux USA, on commence à s’attaquer à ceux qui fument chez eux.

Pas non plus le fumeur. Certes il aurait tout intérêt à s’arrêter. Il adhère souvent aux interdictions, espérant fumer moins. Il sait qu’il faudrait qu’il arrête, il n’en a aucune envie. Il voit sa cigarette comme VITALE. C’est pourquoi la recherche scientifique sur le tabac, qui seule pourrait l’aider, n’a aucun soutien populaire. Il la voit comme la scie de la branche sur laquelle il est assis ! Ayant vécu dans ma famille la longue agonie d’un cancer du poumon, j’ai mesuré mon impuissance de médecin et consacré dès 1977 mon laboratoire à l’étude de la dépendance. Très vite, je constatai mon isolement scientifique total. Quel paradoxe, quand les épidémiologistes faisaient du tabagisme la cause la plus importante mortalité, que cette absence totale de recherche scientifique !

Aucun laboratoire de l’INSERM ou du CNRS n’étudie le tabac. Une montagne de travaux sur la nicotine, qui se vend, mais ne crée pas de dépendance. Rien sur le tabac, qui accroche tant. Beaucoup de croisés anti-tabac, pas de chercheurs. J’ai fondé en 1983 la "Société de Tabacologie" pour promouvoir une véritable recherche attirant des jeunes. Subventions ridicules, comparées à celles des campagnes médiatiques anti-tabac. Echec total. Aucun laboratoire pour embaucher nos jeunes chercheurs formés. Cela a un sens : le tabac est le diable, nul besoin de comprendre, il suffit de le combattre. Pourtant, la peste n’a été vaincue ni par les incantations, les processions, les exclusions, les autodafés, mais quand on eut saisi le rôle de la puce du rat dans sa transmission, d’où une prévention efficace, et que Yersin isola le bacille. Faute de recherche, nous en sommes toujours là. Des mots, du bruit, du vent, des contraintes de plus en plus fortes dont on mesurera un jour les effets pervers sur la santé et la société. Rien de concret et de vraiment efficace. En 1977, le but de l’OMS était l’éradication du tabagisme en 2000 ! Vœu pieux.


[1] Falomir Pichastor JM, Mugny G : Société contre Fumeurs. Presse.Univ. Grenoble 2004

[2] Molimard R : Le rapport européen "Lifting the smokescreen : Etude épidémiologique, ou manipulation ? Revue d’Epidémiologie et de Santé Publique, (2008) 56 : 286-90"

29 novembre 2009 http://www.formindep.org/Croisades-anti-tabac

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Message  alexandra Ven 11 Déc 2009 - 15:55

et un avis de décès qui ne nous fera pas pleurer:

"La revue "Sevrage Tabagique Pratique" annonce dans son numéro d’octobre 2009 qu’elle cesse de paraître, victime d’un arrêt brutal. Le rapprochement s’impose avec l’image de l’accident de side-car de la publicité de Nicorette® qui illustrait chaque numéro, avec comme légende : "Arrêter brutalement ne convient pas à tous les fumeurs." [1].


Paix à ses cendres... Le Professeur Gilbert LAGRUE regrette que le "nerf de la guerre" soit venu à manquer. Aurai-je dû soutenir de mon abonnement une aussi belle et luxueuse revue trimestrielle en quadrichromie sur papier glacé, que j’avais toujours reçue gratuitement, comme tous les tabacologues que je connais. Riche en articles sur tous les risques à fumer, elle vantait les bienfaits des interdictions et ne laissait comme issue aux fumeurs que les vertus de la substitution nicotinique et du Champix®. Seule la Nicorette® de Pfizer (puis McNeil) y faisant de la publicité, on aurait pu naïvement penser qu’il s’agissait d’un banal prospectus de laboratoire. Mais on était vite rassuré, l’indépendance de la revue étant garantie par l’éditeur Médiquid, du groupe Consensus, et la notoriété du Pr Bertrand DAUTZENBERG, son rédacteur en chef.

Comme il sied, des messages de condoléances regrettent un disparu paré de toutes les vertus, et souhaitent unanimement sa résurrection. Le numéro 24 ne rompt pas avec cette tradition. Je ne peux qu’être d’accord avec le Professeur DELCROIX qui souligne la fragilité de la presse médicale française. Clairement d’ailleurs, il ne pouvait parler de presse scientifique, qui a totalement disparu. Mais quand Patrick DUPONT écrit : "Je fais un rêve. Je fais un rêve d’une revue scientifique, pédagogique et éthique qui parlerait d’aide à l’arrêt du tabac…", je me prends à rêver aussi de son indépendance…

Le matraquage sur les substituts nicotiniques était la grande spécialité de la revue, qui défendait et se réjouissait de l’attribution de 50 € annuels par fumeur pour les acheter. Or les deux seules méta-analyses publiées à ma connaissance d’essais cliniques sur leur efficacité [2] [3] ont trouvé un taux identique d’arrêt du tabac à 6 mois de 7%, contre 3% au placebo (c’est-à-dire que 93% des utilisateurs sont revenus à la cigarette).


[1] Le message initial était que l’on pouvait diminuer son risque à fumer si l’on remplaçait, sous-entendu "à vie", certaines cigarettes par des gommes à la nicotine. Cette incitation à continuer à fumer étant proprement scandaleuse, on a alors parlé de réduction progressive de la consommation tabagique grâce aux gommes, comme une étape vers l’arrêt définitif. Ce vœu pieux est plus acceptable, sans rien changer à ce qui sous-tend la démarche, le rêve des médicaments pour maladies chroniques...

[2] Hughes JR, Shiffman S, Callas P, Zhang Z, A meta-analysis of the efficacy of over-the-counter nicotine replacement, Tobacco Control, 2003, Vol. 12, 21-27.

[3] Moore D, Aveyard P, Connock M, Wang D, Fry-Smith A, Barton P, Effectiveness and safety of nicotine replacement therapy assisted reduction to stop smoking : systematic review and meta-analysis, BMJ 2009 ;338:b1024"

29 novembre 2009 http://www.formindep.org/Fin-de-publication-fumeuse


Le Formindep vient de déposer un recours devant le Conseil d'Etat pour obtenir l'annulation de deux recommandations de bonnes pratiques cf diabète et Alzheimer pour conflit d'intérêts des médecins experts auteurs de ces recommandations.
Ce collectif dénonce les liens entre laboratoires et médecins. Il a dans le passé demandé à la Haute autorité de santé de retirer certaines recommandations pour les mêmes motifs.Bien entendu refus d'ou le recours devant le Conseil d'Etat.
Avec un peu de chance le tour de Dutzenberg viendra.

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Message  alexandra Mar 15 Juin 2010 - 10:52

Politique anti-tabac HUMANITÉ… OU BARBARIE ?
dimanche 6 juin 2010
par Robert MOLIMARD

Deux regards sont possibles sur ceux qu’une position de faiblesse met hors des normes bien changeantes et arbitraires qui régissent les communautés humaines, malades, handicapés, dépendants de drogues diverses. Ou bien on s’attache à les amener si possible à la guérison, sinon à améliorer leur sort, et à les intégrer au mieux dans le réseau social. Ou bien on les stigmatise, les cache, les exclut, voire les pourchasse. Même si l’on n’en arrive pas à la solution finale, c’est la voie de la barbarie. Certains même y pensent, comme le montre cette réflexion d’un certain B.W. dans le forum GlobaLink [1], que je traduis fidèlement de l’anglais : « Je ne comprends pas le débat sur le snus. Évidemment, c’est un bénéfice de santé publique pour les gens qui doivent travailler à côté d’un fumeur là où fumer n’est pas interdit. Mais par ailleurs, les cigarettes ne me soufflent pas la fumée au visage, les fumeurs le font. Donc pourquoi diable se soucier de la morbidité des fumeurs, sinon dire que ce ne sera jamais assez tôt ! »


Repris de l’article : Tabagisme passif : des chiffres un peu… fumeux, sur le site : www.bakchich.info Donc qu’ils crèvent ! Que B.W. se félicite de ne pas être enfumé est normal. Mais il ne comprend pas le débat sur le snus ! Sucer un sachet de ce tabac suédois est pourtant l’arme absolue contre le tabagisme passif. En toute humanité, il devrait aussi se féliciter que ceux qui le préfèrent à la cigarette ne risquent plus le cancer du poumon, la bronchite chronique ou l’infarctus.

Ainsi la politique anti-tabac vient de prendre un virage que j’estime dangereux. C’est la fumée qui constitue le risque, qu’il s’agisse de celle du tabac, des cheminées d’usine, des pots d’échappement de voitures, des barbecues ou du cannabis. C’est la combustion qui produit les goudrons cancérigènes, les irritants bronchiques et l’oxyde de carbone nécessaire aux infarctus. Il reste des produits nocifs dans la prise ou la chique, comme dans le plastique des biberons, les salaisons au salpêtre ou les viandes et poissons fumés, et même le sel en excès dans les aliments conservés. Mais le snus est 98 % moins dangereux que la cigarette, même si on lui attribue autant de cancers de la bouche ! Tous les pourfendeurs du tabagisme passif devraient s’unir pour que soit levée l’interdiction de sa vente en Europe, à laquelle la Suède n’a pas voulu se plier.

C’est là que pointe le bout de l’oreille du barbare. Car la cible n’est pas le tabac, c’est le fumeur ! On s’interdit même de lui autoriser une échappatoire en lui permettant d’utiliser le snus, contre lequel on mène une virulente campagne, en l’accusant de favoriser chez les jeunes l’adoption ultérieure de la cigarette, alors qu’au contraire, pour un utilisateur de snus qui passe à la cigarette, 4 fumeurs arrêtent de consommer du tabac en passant par le snus. [2]

"Société CONTRE Fumeurs". C’était le titre prémonitoire d’un magnifique ouvrage de deux psychologues genevois [3]. Leur analyse expérimentale de la réaction des individus face à une société de plus en plus moralisatrice et répressive au nom de l’hygiénisme, du principe de précaution poussé à l’absurde, laissait prévoir combien la politique actuelle des interdictions de fumer tous azimuts serait contre-productive. Et en effet, depuis ces interdictions, l’organisme officiel SLÀN a reconnu que la prévalence du tabagisme était passée de 27 % à 29 % en Irlande. En Italie, le Dr A. Santoro, cancérologue de l’hôpital milanais Humanitas [4], estimait 2 millions de fumeurs de plus en 2009 qu’en 2008, aussitôt contredit par le Haut Institut de Santé (ISS) qui en trouve 1,9 millions de moins ! [5]. Quant à la France, les ventes de tabac augmentent sans que baisse la contrebande, les jeunes fument de plus en plus et les ventes de médicaments pour arrêter de fumer s’effondrent. La cigarette fait partie de l’identité même du fumeur. L’attaquer, c’est l’exposer à un repli sur soi des fumeurs, un tabagisme retranché, insensible aux messages de santé.

Je devrais me féliciter que les fumeurs continuent à soulager ma feuille d’impôts de 12 milliards d’euros par an et à cotiser pour une retraite dont profiteront les autres après leur mort prématurée. Depuis les interdictions, je peux savourer un déjeuner au restaurant sans être enfumé. Le tabagisme omniprésent était une nuisance insupportable, et méritait une règlementation. Mais les mesures prises l’ont été, non pas au nom de la gêne occasionnée par la fumée, mais de la mortalité engendrée par le tabagisme passif. L’origine en est un rapport pseudo-scientifique, une pure manipulation fomentée par les firmes pharmaceutiques qui vendent des médicaments de sevrage [6].


humanité ou barbarie Or, l’unique victime du tabagisme, c’est le fumeur. Il le paie largement de sa santé, consacre à son tabac une part énorme de ses ressources, d’autant plus qu’il est moins fortuné. Non seulement il se sent coupable en allumant sa cigarette du matin, mais voilà qu’on l’accuse d’être l’assassin de son voisin et de ses proches. Cela poussera certes quelques uns à s’arrêter de fumer, mais la réaction normale de défense est le déni et la fuite derrière un écran de fumée. Or, la meilleure arme contre le tabagisme, c’est au contraire que le fumeur abandonne sa cigarette. Le médecin, l’infirmière, le politique devraient être du côté de la victime, pour l’aider à trouver les voies de s’en sortir. La barbarie, c’est de prendre le parti de l’enfoncer.


[1] GlobaLink est un site de l’Union Internationale Contre le Cancer, consacré à la lutte contre le tabagisme.

[2] Ramström L M, Foulds J Role of snus in initiation and cessation of tobacco smoking in Sweden. Tobacco Control 2006 ;15:210-214

[3] Falomir, J. M., Mugny, G. (2004) Société contre fumeur, Une analyse psychologique de l’influence des experts. Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble.

[4] Dépêche AFP 27 janvier 2010

[5] Dépêche ANSA 19 mai 2010.

[6] Molimard R. Le rapport européen "Lifting the smokescreen" : Etude épidémiologique, ou manipulation ? Revue d’Epidémiologie et de Santé Publique, (2008) 56 ;(°4) : 286-90. Voir également sur le site tabac-humain.com.

http://www.formindep.org/HUMANITE-OU-BARBARIE

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Message  alexandra Jeu 4 Nov 2010 - 15:17

dernière chronique en date du 22 octobre 2010

L’argument d’autorité n’a clairement pas disparu en médecine, qui se voudrait basée sur les preuves. Dans cette grande tradition, les Professeurs Maurice Tubiana et Gérard Dubois (Le Monde 12 octobre 2010) au nom de l’Académie de Médecine unanime s’indignent de l’augmentation du prix des cigarettes prévue le 8 novembre, et préconisent d’appliquer aux fumeurs le classique traitement héroïque … saignare, ensuita purgare. Ils estiment que les 6% d’augmentation en 2007 et 2009 sont notoirement inefficaces pour diminuer les ventes et reprennent la proposition avancée en 2009 par Madame Bachelot d’une augmentation minimale de 10%, réitérée pendant plusieurs années.

Peut-on laisser sans réponse un tel tissu d’inexactitudes et de contradictions ?

Ainsi nos académiciens affirment sans nuance que " les ventes stagnent depuis 2005, ce qui témoigne de l’inefficacité voulue des augmentations de 6 %". Il y a déjà un progrès. On ne parle donc plus d’effet du prix sur la consommation, mais sur les ventes. Car si l’on se met à fumer ses mégots, à raison de 3 pour une cigarette, elles baissent du tiers, mais le risque à fumer s’accroît. De plus, il s’agit de ventes "officielles". Mais ils ajoutent immédiatement : "une telle mesure a peu d’impact sur la contrebande, la contrefaçon ou les ventes transfrontalières". Ils balaient ainsi d’un mépris péremptoire l’objection naissante. Ils la discréditent illico, en faisant l’argument des cigarettiers, fermant ainsi la porte à tout débat sur le rapport bénéfices vs effets pervers de ces mesures.

Or les documents des douanes sont clairs, même si l’importance des saisies n’est qu’un reflet imparfait des trafics. Ils font état d’une hausse constante, +5,7 % en 2009, avec 263,9 tonnes de tabac et de cigarettes pour une valeur totale de plus de 61 millions d’euros, soit le montant le plus fort jamais réalisé en matière de lutte contre la contrebande de tabac. Quant aux hausses de 6%, si leur efficacité se voit mal sur le grand volume des ventes officielles, celle de 2007 a été suivie en 2008 d’un bond des saisies à +18,3%. Nous n’avons pas encore les chiffres pour 2010, qui jugeront de l’effet des 6% d’augmentation de 2009.

Leur article laisse insidieusement croire que le bénéfice de l’augmentation prévue irait aux industriels. Je cite : "..(Le) ministère du budget qui souhaite une augmentation de 6 % des prix industriels des cigarettiers…… ce sont les taxes qui doivent augmenter et non les prix industriels car l’Assurance-Maladie et l’Etat seraient alors les principaux bénéficiaires des revenus supplémentaires". Une telle formulation est particulièrement tordue, suggérant que les industriels seraient les seuls bénéficiaires de cette hausse de prix. Certes leur part actuelle du prix des cigarettes, comme celle des buralistes, augmenterait bien de 6%, mais elle ne serait que de 1,18% de l’augmentation totale, car les taxes représentant 80,39% du prix des cigarettes, l’Etat se réserverait la part du lion avec 4,82%.

Dans le tableau I, j’ai retiré d’un document de la Commission Européenne des données fiscales concernant les pays de la zone euro de l’Union. J’y ai ajouté des données sur le prix des cigarettes. On voit que la France n’est pas en queue de peloton pour le niveau des taxes. Elle occupe le 3e rang, seulement précédée par la Grèce et la Suède. Alors que l’évidence plaide pour une harmonisation des fiscalités en Europe, serait-il opportun d’augmenter encore la dispersion ?

- Pays
- Accise Spécifique (% taxe totale)
-Accise ad valorem (% taxe totale)
- Taxe totale (avec TVA)
- (% prix détail) Prix moyen 20 cigarettes
- "Marlboro®" Prix moyen "Marlboro®" en fonction du pouvoir d’achat
Allemagne 33,43 24,66 74,06 4,95 4,27
Autriche 13,35 43,00 73,02 4,20 3,44
Belgique 6,58 52,41 76,34 4,95 4,27
Chypre 14,54 44,50 72.08 3,85 3,93
Espagne 6,00 57,00 78,25 3,85 3,70
Finlande 7,95 52,00 78,65 5,00 4,50
France 6,03 57,97 80,39 5,60 5,23
Grèce 8,57 58,43 85,70 3,80 4,00
Irlande 43,16 18,25 78,77 8,55 6,53
Italie 3,76 54,74 75,17 4,50 4,41
Luxembourg 9,18 47,84 70,06 4,20 1,57
Malte 11,00 50,00 76,25 3,80 4,87
Pays Bas 36,48 20,52 72,97 5,05 3,88
Portugal 38,62 23,00 78,97 3,70 4,74
Slovénie 13,17 44,03 75,87 3,00 3,49
Suède 43,32 24,00 83,29 5,26 4,38
Royaume Uni 37,85 24,00 76,74 7,46 6,6 4

Tableau I. Taxes sur les cigarettes dans les pays de la zone euro de l’Union Européenne. L’accise spécifique est une taxe fixe à l’unité (ex : pour 1000 cigarettes). À niveau de taxes égal, elle atténue les différences de prix entre les marques de cigarettes. Elle ne suit pas l’inflation, mais est régulièrement relevée lors de la loi budgétaire. L’accise "Ad valorem" est calculée sur les prix maximum de vente au détail. Elle pousse à commercialiser des marques bon marché, plus attractives [1]. Les deux dernières colonnes concernent le prix en euros de la cigarette la plus vendue, et le prix corrigé en fonction du pouvoir d’achat dans chaque pays [2].
Quant à la prévalence du tabagisme, acceptons sans polémiquer que la France ait 30% de fumeurs, la Suède 16%. Acceptons aussi que " La France est le pays d’Europe ayant la plus forte proportion de femmes enceintes fumeuses (22 % au troisième trimestre contre 11 % en Allemagne ou 6 % en Suède)" ? Mais quel rapport avec le plaidoyer de nos académiciens pour une augmentation drastique du prix des cigarettes, alors que justement l’exemple de la Suède et de l’Allemagne, où leur prix est plus bas qu’en France, démontre l’inefficacité de cette politique chez nous. Il faut vraiment vivre dans un monde à part pour la soutenir, vouloir augmenter sa rigueur, être aveugle à ses effets néfastes. Il faut être totalement déconnecté des réalités sociales, de la misère des plus pauvres, qui sont ceux qui fument le plus. Le tabac engloutit une part énorme de leur budget. Elle les enfonce de plus en plus dans la précarité, les pousse à fumer plus dangereusement, à mal se nourrir, se loger, se soigner. Elle génère trafics et délinquance. Il faut ignorer que le fumeur est un être humain qui souffre. Ces médecins se sont-ils jamais penchés sur la détresse d’un fumeur, à ne savoir manier que la trique, justifiée par des chiffres biaisés ? S’il y a des leçons à prendre en Suède, la première est celle d’humanité. Jeune externe dans nos hôpitaux parisiens, j’ai vu comment se comportaient les médecins du Sahlgrenska de Göteborg ou du Karolinska à Stockholm avec leurs patients. La comparaison a été un traumatisme dont je ne me suis pas remis. Apparemment, chez nous, ça ne s’arrange pas.


[1] http://ec.europa.eu/taxation_customs/taxation/excise_duties/tobacco_products/rates/index_fr.htm

[2] http://www.cancer.be/images/journaliste/Communique-de-presse-taxation-tabac-100929.pdf
http://www.formindep.org/spip.php?article390

Un des commentaires résume très bien la situation. Coincés entre l'industrie du tabac et les labos pharmaceutiques pour les fumeurs c'est « Fumez ou arrêtez de fumer ! Mais filez nous vos biftons ! ».

alexandra

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Message  sir john Ven 5 Nov 2010 - 10:40

Merci pour ces nouvelles informations, qui mettent encore à mal un des articles de la foi hygiéniste. Il me semblerait aussi intéressant de mettre en rapport, au-delà des comparaisons de tarifs nominaux, les prix des tabacs en Europe et le pouvoir d'achat réel des segments de population les plus fumeurs. On verrait peut-être alors que les ouvriers et employés français sont parmi les plus lourdement pénalisés par les tentatives de dissuasion fiancière

sir john

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Message  alexandra Ven 5 Nov 2010 - 13:25

Dans une chronique précédente il cite une étude canadienne publiée en janvier 2010 qui constate l'échec des politiques fiscales pour faire baisser la consommation de tabac (http://www.acda-aqda.ca/HEC_MTL_TAX_STUDY_-_EN_final_vers.pdf).

Je le cite "l’effet sur la santé publique est non seulement nul, mais néfaste. On ne récolte plus que les conséquences perverses, essentiellement dans les couches sociales les moins favorisées, qui fument le plus : aggravation de la pauvreté au détriment de la santé, modes de consommation plus dangereux, contrebande et délinquance".
http://www.formindep.org/spip.php?article369

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Message  Monsieur B. Mer 10 Nov 2010 - 17:19

Enocre merci Alexandra de nous donner des nouvelles interessantes. Ce professeur Molimard est bien le seul ou presque que je trouve sérieux dans ses propos car modéré et argumentant avec des des objets clairs, précis et surtout avérés. Et ce monsieur est surement l'un des plus éloignés de tout conflits d'interets. Mais comme pour le professeur Evin, dès que l'on parle d'eux, il y a un Dautzenberg ou autre qui les décridibilise de suite en disant qu'ils ne sont pas sérieux car vieux et dépassés...

Et ce dernier papier de Monsieur Molimard va tellement à l'encontre de ce que l'on a pu entendre ces derniers jours sur la hausse insuffisante des taxes que cela fait du bien, vraiment.

Monsieur B.

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Message  alexandra Mer 22 Déc 2010 - 18:22

Le 9 décembre 2010, la Société d’Addictologie Francophone organisait à l’Hôpital Sainte-Anne à Paris une réunion sur le thème « Vérités, croyances et mensonges en Addictologie », à cette occasion le prof Molimard a fait un exposé ayant pour titre « Croyances, manipulations et mensonges en matière de tabac »
Je mets le lien pour le doc de 6 pages:
http://www.tabac-humain.com/wp-content/uploads/2010/12/Mensonges-SAF-9-décembre-2010-texte1.pdf

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Message  alexandra Jeu 10 Mar 2011 - 11:37

Extraits de sa dernière chronique

Champix®, le jeu en vaut-il la chandelle ?
Le fumeur n’est pas un malade

Pas plus que les autres comportements à risque, comme la passion de la moto ou du ski, fumer n’est pas une maladie, bien qu’on cherche à imposer cette idée, qui logiquement justifie médicalisation et médicaments.

Faire courir un risque à un sujet sain pour prévenir un danger aléatoire et hypothétique est éthiquement inacceptable.

[...]

Conclusion

C’est la durée de l’exposition à la fumée qui fait les risques à consommer le tabac. Ce qui importe pour un fumeur n’est pas de pouvoir arrêter quelques semaines, c’est d’abandonner définitivement la cigarette. Or, pour l’instant, les résultats à long terme de toutes les médications sont extrêmement décevants. Pour certains, prendre un produit supposé miracle est une étape dans le lent processus de maturation qui finit par aboutir à l’état d’ex-fumeur. Faute d’être efficace, encore faut-il qu’il ne soit pas ruineux pour le fumeur et la collectivité, et n’ajoute pas au risque à fumer. Ce fut un tour de force d’avoir fait regarder un fumeur comme un malade. Un fumeur est un être sain, à risque certes mais potentiellement, comme celui qui mange des tartines de beurre ou le gras de l’entrecôte. Mais rien ne justifie qu’on lui fasse courir le moindre risque supplémentaire, au nom de ce qui n’est qu’une prévention, un pari sur l’avenir. Or la varenicline, même dans les résultats les plus optimistes, ne me semble pas avoir changé fondamentalement le pronostic de l’arrêt du tabac. La nicotine a fait au moins la preuve de sa relative innocuité. Les lourdes présomptions qui pèsent sur le Champix®, qui pourraient bien aboutir à son retrait du marché, autorisent-elles à faire prendre un risque à des sujets en bonne santé, pour un bénéfice aléatoire ?

http://www.formindep.org/Champix-R-le-jeu-en-vaut-il-la.html

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Message  alexandra Lun 2 Mai 2011 - 15:24

Réouverture du Grand Guignol ?

Dès son ouverture à la Belle Époque, les foules se pressaient au théâtre de la rue Chaptal à Paris, pour frémir d’horreur, de dégoût, d’angoisse et de plaisir aux spectacles qui rivalisaient d’atrocités, dans un flot d’hémoglobine. Le Grand Guignol a fermé en 1963, ne pouvant soutenir la concurrence des films d’horreur qui arrivaient à faire beaucoup mieux. Le relais est désormais pris par les présentoirs des buralistes. [1]

Le problème à résoudre avant de prendre de grandes mesures spectaculaires est celui de l’effet réel des images réalistes. Répulsion ou attraction ? Quelle action sur les fumeurs, qui sont les porteurs du tabagisme ? En 2000, le Canada a introduit des images-choc sur les paquets de cigarettes. Une enquête téléphonique a été menée 9 mois plus tard auprès de 611 fumeurs. Relancés après 3 mois, 432 ont répondu [2]. Un tiers (36 %) avaient cherché à se cacher les images, en changeant d’étui, mais cela n’avait modifié en rien leur tabagisme ultérieur. Peur (44 %) et répulsion (58 %) étaient les réactions émotionnelles qu’elles suscitaient. Le groupe ayant le plus fortement réagi a déclaré avoir plus fortement "diminué sa consommation, eu l’intention, ou tenté d’arrêter". La différence avec les moins émotionnés est faible (R=1,35). Elle n’est statistiquement significative que parce que la tentative d’arrêt, seul critère un peu objectif, a été mélangée dans un critère global avec des données peu fiables comme la diminution de consommation, de plus très sensibles aux effets de suggestion d’une telle étude aux objectifs déclarés. Enfin, les 30 % d’absence de réponse 3 mois plus tard peuvent constituer un tel biais de sélection qu’on ne peut accorder aucune confiance à cette statistique. Ajoutons que seule la comparaison avec un groupe semblable de fumeurs qui n’auraient pas été exposés à ces images aurait pu permettre d’affirmer leur efficacité. En l’état, le pouvoir de conviction d’une telle étude est absolument nul.

On ne trouve dans la littérature aucune autre étude sur l’efficacité. Une mise au point de 2009 à l’occasion d’entrée en vigueur de ces avertissements en Suisse conclut que ces images sont "utiles" [3]. Mais cette affirmation ne repose que sur cette seule étude canadienne ! Le titre d’une des références qu’elle cite était alléchant, laissant penser que les fumeurs prêts à s’arrêter tireraient bénéfice de ces images [4]. En fait ce travail porte, comme beaucoup d’autres, sur leur impact immédiat subjectif, leur perception, les sentiments qu’elles éveillent. On a demandé aux fumeurs si cela les incitait à s’arrêter, si cela les faisait réfléchir sur leur risque. Il en est de même d’une enquête hollandaise auprès d’adolescents [5]. Les questions induisent clairement les réponses. Aucune ne mesure l’efficacité en termes de tentatives loyales d’abandon de la cigarette. L’intention n’est pas l’action.

Une seule voix un peu dissonante s’est manifestée [6]. Demander à une population de fumeurs s’ils ont l’intention d’arrêter recueillera automatiquement un bon pourcentage de velléitaires. Les auteurs soulignent qu’il n’y a aucune preuve que l’introduction de ces avertissements ait augmenté les tentatives d’arrêt. Ils reprochent à l’équipe canadienne d’ignorer les travaux importants sur l’efficacité des communications basées sur la peur. Les fumeurs expriment une forte intention d’arrêter après les messages qui induisent la peur, car ils les espèrent efficaces. Cependant, lorsqu’on leur demande ensuite leurs priorités, celle d’arrêter de fumer devient très faible par rapport à d’autres comportements de santé. Leurs réactions déclarées sont positives, mais les réactions observées sont négatives, y compris les changements de comportement qui sont moindres chez ceux le plus à risque. Les réactions défensives ont pour but de "se libérer de la peur, pas nécessairement des menaces."

C’est tout à fait ce que j’ai retiré de mes premières expériences voici 50 ans. Si, dans une conversation de salon, on me demandait si c’était bien vrai que le tabac donnait le cancer du poumon, je n’avais aucune peine à décrire un tableau qui n’avait rien de rose. A mon étonnement, la réaction n’était pas de me demander quand et où se tenait ma consultation. En fait, une main atteignait le paquet de cigarettes dans une poche, une cigarette était allumée presque en catimini, mais quelques minutes plus tard tous les fumeurs en avaient allumée une et la fumaient à l’aise, renversés sur leur fauteuil, m’écoutant poliment discourir comme si je faisais un reportage sur des mœurs exotiques.

En fait, ce discours avait suscité leur angoisse. Pas de secours dans la médecine ! Leur seule défense était de se persuader que le cancer ne les toucherait pas, qu’ils étaient génétiquement invulnérables. Mais à quoi reconnaît-on les invulnérables ? Simple : ils peuvent fumer sans risque ! Si je crains d’en allumer une, c’est que je ne suis pas certain de mon invulnérabilité ? Alors je l’allume. Je me prouve ainsi que je me considère réellement invulnérable… et cette cigarette lève l’angoisse. Gribouille, qui se jette à l’eau par crainte de la pluie. Etudiant l’impact des images par le délai de détournement d’attention qu’elles suscitent, des auteurs allemands trouvent de plus que, chez les fumeurs de plus de 20 cigarettes, elles augmentent l’anxiété et le besoin de fumer ! [7]

Voici donc encore une de ces mesures démagogiques, populistes, qui ont d’autant plus de succès qu’elles sont moins scientifiquement fondées. C’est une agitation stérile, du bruit pour rien. Les activistes à la psychologie de café du commerce ont conscience d’avoir agi, ce qui va les satisfaire au moins pour un temps. Les hérauts de l’anti-tabagisme pavoisent et crient victoire à la télévision. Mais hélas susciter la peur est encore le plus sûr moyen d’asservir les peuples, et d’accrocher plus fortement le fumeur à sa cigarette, pour le plus grand bonheur des compagnies tabagières, de l’État et de quelques graphistes.

[1] Le site http://www.hc-sc.gc.ca/hc-ps/consult/_2011/label-etiquet/messages-fra.php permet d’accéder à toute une collection d’images d’horreur canadiennes.

[2] Hammond D, Fong GT, McDonald PW, Brown S, Cameron R. Adverse Outcomes : Evidence from Canadian Smokers. Am J Public Health. (2004) ;94:1442–5

[3] Etter JF, Cornuz J.Les mises en garde illustrées sur les paquets de cigarettes sont-elles utiles ? Rev Med Suisse (2009) ;5:1476-9

[4] Willemsen MC. The new EU cigarette health warnings benefit smokers who want to quit the habit : results from the Dutch Continuous Survey of Smoking Habits. Eur J Public Health. (2005) ;15(4):389-92

[5] White V, Webster B, Wakefield M Do graphic health warning labels have an impact on adolescents’ smoking-related beliefs and behaviours ? Addiction (2008) ;103(9):1562-71.

[6] Ruiter RAC, Kok G. Saying is not (always) doing : cigarette warning labels are useless. European Journal of Public Health (2005) ) ;15(3):329.

[7] Loeber S, Vollstädt-Klein S, et all : The effect of pictorial warnings on cigarette packages on attentional bias of smokers. Pharmacology, Biochemistry and Behavior (2011) ;98 : 292-8.-

http://www.formindep.org/Reouverture-du-Grand-Guignol.html

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Message  sir john Mer 11 Mai 2011 - 9:13

Tout est dit en effet, et le terme "démagogique" est bien adapté. Il faut souligner que dans toute la documentation hygiéniste, il n' y a de fait aucune mention de résultats tangibles des images trash sur la consommation. On se borne à constater que les fumeurs déclarent par sondages qu'ils jugent la mesure 'utile" ou qu'elle "donne à réfléchir". Seul le CNCT s'est aventuré une fois à prétendre que les photos-chocs avaient eu un impact décisif sur le tabagisme des jeunes au Canada, la consommation ayant chuté dans cette classe d'âge depuis leur apparition sur les paquets. Le problème est que quand regarde les sacro-saintes statistiques, on s'aperçoit que c'était le cas avant et dans les mêmes proportions...

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Message  alexandra Sam 26 Nov 2011 - 18:16

"Fagerström trouve son chemin de Damas


En rebaptisant test de dépendance à la cigarette son célèbre et universel test de dépendance à la nicotine, Karl Fagerström reconnaît que celle-ci ne résume pas la dépendance au tabac. Cet article devrait avoir l’effet d’une bombe. Il est vraisemblable qu’il n’en sera rien. Malgré la notoriété de l’auteur, on peut présumer qu’il n’aura pas d’écho.

Le test de Fagerstöm

Quel plus beau succès mondial que celui du Test de dépendance à la nicotine de Fagerström, omniprésent, traduit dans toutes les langues. A vrai dire, né de la commercialisation des médicaments à la nicotine, il en est indissociable. Tout commence avec Ove Fernö, un chimiste suédois de la firme LEO, un vrai chercheur. Il raconte dans une interview la passionnante saga de la mise au point de la gomme à la nicotine, de 1967 au brevet en 1978. D’après son auto-observation, il avait la conviction que la nicotine était le facteur de la dépendance au tabac [1]. Pourtant l’équipe de Russell à Londres se posait déjà des questions à ce sujet [2].

Karl Fagerström, diplômé de psychologie en 1975, travaille alors pour sa thèse avec la gomme LEO. Il propose en 1978 un test pour évaluer la dépendance des fumeurs, le FTQ (Fagerström Tolerance Questionnaire). Le titre est neutre et assez incompréhensible, mais Fagerström exprimait par ailleurs clairement que le but était de mesurer une dépendance à la nicotine, jugée expliquer la dépendance au tabac [3]. En 1983, il intègre la firme devenue Pharmacia & Upjohn. Il en est le Directeur de l’information scientifique sur les substituts nicotiniques.

Mais très vite, une analyse factorielle par Heatherton montra le caractère très artisanal de ce FTQ, ne répondant pas aux critères admis pour la construction de questionnaires. Celui-ci pouvait se borner à deux items orthogonaux résumant l’essentiel des informations : 1 - L’heure de la première cigarette de la journée, qui traduit vraisemblablement le besoin pharmacologique, et 2 - Le nombre de cigarettes fumées, qui exprime la prégnance du geste [4]. Ç’aurait pu être la fin de ce test, mais deux ans plus tard, Fagerström le sauvait en s’associant à l’équipe de Heatherton pour proposer un nouveau test, le FTND (Fagerström Test for Nicotine Dependence) [5]. Dans cette nouvelle version disparaissait le seul item faisant référence à la nicotine, à savoir le rendement en nicotine des cigarettes, comme sans relation avec les mesures biologiques. Disparaissait aussi l’item jugeant de l’inhalation. Réduit à 6 items comportementaux, ce test ne pouvait donc mesurer que la dépendance à la cigarette. Paradoxalement, le titre le présentait pourtant désormais comme mesurant la dépendance à la nicotine .

Mais en 2011 Fagerström prend sa retraite, et tue son enfant [6]. Reprenant tous les arguments que je lui avais développés lorsque je l’avais invité en 1989 à la 5ème Journée de la dépendance tabagique à Paris, il débaptise son fameux test qui devient " Test de dépendance à la cigarette ", FTCD ! C’est pour moi une grande satisfaction que de le voir revenir à la raison. Mais pourquoi si tardivement ?

L’importance commerciale du dogme de "dépendance à la nicotine"

Quoi de mieux qu’un test de dépendance à la nicotine pour justifier l’usage des "substituts nicotiniques" ! Il était important de faire avaler que la nicotine était LA drogue addictive du tabac. Pendant plus de 30 ans, martelé dans les congrès, la presse, le rapport 1988 du Surgeon General Américain scandaleusement intitulé "Nicotine Addiction", ce sophisme a pris valeur de dogme. Tout un chacun pouvait tester sa dépendance à la nicotine, dans les revues grand public, lors des actions anti-tabac dans les écoles, lors des manifestations de la journée mondiale sans tabac les 31 mai. La pression était telle que les médicaments nicotiniques devenaient le traitement standard. Il ne devenait plus éthique d’utiliser un simple placebo comme produit de référence dans les comparaisons cliniques. Le "Test de dépendance à la nicotine" apparaissait dans les "Recommandations de bonne pratique" de l’AFSSAPS [7]. Il y est conseillé d’adapter le traitement nicotinique selon le score de Fagerström. C’est dire l’importance attribuée à ce score, et le lien avec cette thérapeutique.

Pendant plus de 30 ans, Fagerström grâce à son test a été un des leviers majeurs pour renforcer ce dogme du rôle unique de la nicotine dans la dépendance à la cigarette. Test sans intérêt en soi, puisque deux questions auraient suffi pour juger de l’accrochage d’un fumeur au tabac, mais un score numérique plaisait au public, qui aime bien s’évaluer. Non sans effets pervers, car un score faible rassurait le fumeur qui, se considérant comme peu ou pas dépendant, perdait des raisons d’arrêter. Un score élevé pouvait au contraire le décourager par l’ampleur prévisible de la tâche à affronter. Mais en pratique l’intérêt pronostique quant au succès de l’arrêt est nul. La seule conséquence est d’avoir un argument pour justifier de fortes doses de gommes.

Ce revirement devrait constituer une bombe

Qu’un ténor de l’anti-tabagisme et du dogme nicotinique change aussi brutalement d’avis devrait faire l’effet d’une bombe. Vu les intérêts en jeu, il est cependant permis d’en douter. Publié plus tôt, ce n’aurait d’ailleurs jamais pu être qu’un pétard mouillé. Fagerström ne pouvait depuis longtemps ignorer cet arbre qui cache la forêt, cet étouffement de recherches essentielles au profit d’un développement mercatique. Il ne l’ignorait tellement pas qu’en 2003, dans un éditorial accordé à la revue italienne " Tabaccologia " [8], il critiquait avec les mêmes mots la notion même de dépendance à la nicotine. Il est vrai que cette revue n’est guère référencée, et que ses articles restent confidentiels. Toujours dans cette ambiguïté, il s’élève en 2003 contre l’interdiction du snus en Europe, qu’une décision de la Cour de Justice européenne refusa de lever en 2004 [9].

Conflits d’intérêts

Les conflits d’intérêts sont loin d’être exclusivement financiers. La reconnaissance publique, la gloire, les invitations à des congrès, les écrits et prises de position, les propres convictions enferment peu à peu dans un maillage dont il est difficile de se délivrer. Mais le soutien que lui assurait son prestige auprès des fabricants de médicaments nicotiniques devenait fragile, car en 2003 Pharmacia & Upjohn était racheté par Pfizer. Or cette firme ne semble pas avoir débordé de passion pour les substituts nicotiniques, misant plutôt sur le Champix° (varénicline), au point qu’en 2006 elle cédait Nicorette° à Johnson & Johnson (Mc Neil en France). J’ai en son temps beaucoup apprécié la prise de position de Fagerström en faveur du snus. Il fallait du courage, la conscience du bénéfice énorme pour la santé de l’abandon de la cigarette pour le snus par la moitié des hommes suédois. Mais cette position devenait intenable, en contradiction avec son rapprochement avec Swedish Match [10], qui fabrique le snus et se trouve directement concurrencer les substituts nicotiniques, et avec son long passé de lutte contre le tabac, au bénéfice de Big Pharma. Cela passait mal. Ce heurt d’intérêts fut la cause de sa démission en février 2004 de sa présidence élue de la SNRT. Car de plus il avait fondé en 2000 et été devenu codirecteur de la société Niconovum , branche de Swedish Match. Or, ultime goutte de lie au fond du calice, Niconovum tombait en 2009 dans l’escarcelle du cigarettier Reynolds. Impossible à avaler. La seule issue honorable était la retraite, l’abandon de son test de dépendance à la nicotine que ne soutenait plus Pfizer, et de se proclamer "consultant indépendant", par une déclaration d’absence de financement (No Funding") et d’absence de liens d’intérêt."

http://www.formindep.org/Fagerstrom-trouve-son-chemin-de.html
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Message  alexandra Lun 19 Mar 2012 - 19:00

La cigarette X22 tuera-t-elle la poule aux œufs d’or ?


Le tabac : la poule aux œufs d’or ! Quelle catastrophe financière pour les tabagiers si le fumeur abandonnait sa cigarette ! Déjà, il meurt 10 ans trop tôt ! Cela justifiait leurs recherches pour en diminuer la dangerosité, mais ces efforts techniques touchent à leurs limites. Quelle perte de profit aussi pour l’industrie pharmaceutique !

Dans tout fumeur, il y a un désir secret d’arrêter. Il suffit de l’attiser en évoquant le cancer et l’infarctus. Si cela ne suffit pas, on suscite interdictions et stigmatisation. On sort alors du chapeau le lapin sauveur, la nicotine. Quel remède idéal, cette nicotine ! Elle berce d’illusions le fumeur, qui y retrouve certaines des sensations du tabac. Mais pour Big Pharma, le miracle est qu’elle a le don d’inefficacité . À long terme, le cheptel de clients potentiels est donc préservé. C’est merveilleux, cela dure depuis 25 ans. Quant à l’État, une politique vraiment efficace le priverait de sa rente annuelle de 13 milliards d’euros de rentrées fiscales. Il a certes en charge la santé de la population, mais il trouve que tout est très bien comme ça.

Les rats quitteraient-ils le navire ?

Tout finit par se savoir. L’engouement des fumeurs pour la nicotine et les autres médicaments de sevrage s’émousse, en dépit de la publicité et des incitations financières. Les grands noms des activistes anti-tabac, omniprésents dans les media, qui ont soutenu à bout de publications et de congrès les médicaments nicotiniques, font maintenant la moue. Voilà que Karl Fagerström découvre que la dépendance au tabac ne se résume pas à une dépendance à la nicotine, comme il l’a fait croire pendant 25 ans avec son fameux test. Un des activistes les plus féroces opposés à toute tentative de réduction du risque à fumer, le dentiste Greg. N. Connolly, professeur à la Harvard School of Public Health, cosigne un article démontrant que les substituts nicotiniques ne servent à rien [1].

Pour Fagerström, c’est clair. Il est apparu évident à ce suédois que le snus, ce tabac à sucer national, était bien moins dangereux que la cigarette, et bien plus efficace pour aider à s’en passer que les soi-disant substituts nicotiniques. Au point qu’il n’a quitté le navire "Nicotine" que pour embarquer sur le "Snus". Le cas de Connolly est plus complexe. Farouchement convaincu que la nicotine est une puissante drogue, extrêmement addictive, il aurait souhaité la voir bannir et n’acceptait son utilisation thérapeutique que du bout des lèvres. Membre du TPSAC [2], il y siégeait sous la présidence de Jonathan M. Samet, aux côtés de Neal L. Benowitz et de Jack E. Henninfield. Ces trois-là ont d’étroits liens d’intérêt avec les géants pharmaceutiques Pfizer et GSK, qui fabriquent les gommes et les patches, ainsi que le bupropion et la varénicline [3] [4].

Fondamentalement prohibitionniste, toujours obsédé par le rôle central de la nicotine dans la dépendance au tabac, Connolly est aussi très opposé au tabac à chiquer, tout comme d’ailleurs aux cigarettes électroniques [5]. En janvier 2011, il démissionne du TPSAC « pour raisons personnelles », estimant qu’il serait plus efficace hors de ce groupe, dans son combat contre l’utilisation du menthol dans les cigarettes et pour la réduction de leur teneur en nicotine [6].

Un mystère devrait être élucidé. Comment se fait-il que l’étude de la Harvard School of Medicine n’ait été proposée pour publication au journal Tobacco Control que le 6 juillet 2011, alors que les dernières données ont été collectées en juillet 2006 ? Un tel retard dans le pays du « publish or perish » est vraiment inhabituel. Souhaitait-il retarder la rupture avec ses collègues du TPSAC que la publication d’un tel article rendait fatalement inévitable ? Quoi qu’il en soit, et bien que son étude n’ait pas été la première à aboutir aux mêmes conclusions sans avoir eu grand effet, sa notoriété, la réputation de son institution font qu’elle est une terrible torpille dans les flancs du navire "Nicotine".

Concordance de date ? Le 21 juillet 2011, BusinessWire annonçait que la FDA donnait son accord pour l’étude clinique de phase II-B d’une cigarette "X22" dans un essai d’aide à l’arrêt du tabac. Cette cigarette provient d’un tabac génétiquement modifié pour être exceptionnellement pauvre en nicotine, mis au point par la société 22nd Century Limited, fondée en 1998. Une étude préliminaire menée par le Dr Dorothy Hatsukami, de l’Université du Minnesota, membre du TPSAC, avait montré 43 % d’arrêts du tabac après 4 semaines d’utilisation. Mais les premiers résultats de la nouvelle étude ne confirment pas que l’arrêt soit plus fréquent qu’avec les cigarettes conventionnelles [7].

Depuis longtemps l’industrie du tabac pensait que les cigarettes sans nicotine pouvaient être un excellent marché. De nombreux brevets avaient été déposés pour divers procédés d’extraction, en particulier par Philip Morris. Mais les essais de commercialisation, comme celui en 1989 sous le nom de marque Next °, avaient été des échecs. Cependant les techniques d’extraction éliminaient vraisemblablement d’autres composés du tabac. C’est pourquoi j’étais très intéressé par l’avenir commercial de cigarettes sans nicotine issues du génie génétique. Leur succès m’aurait fortifié dans l’idée que le tabac contenait d’autres substances addictives que la nicotine. Or la 22nd Century Limited avait accordé la licence d’exploitation de ses brevets à la firme Vector Tobacco, qui avait commercialisé aux USA la Quest3 °. Celle-ci, ne contenait que 0,3 mg de nicotine [8]. Ce fut un flop commercial.

La nicotine seule n’explique pas la dépendance au tabac [9]. Seuls, d’autres constituants ne sont donc pas capables de la créer et de l’entretenir. Mais la nicotine est apparemment indispensable dans ce qui doit être une savante cuisine de synergie. C’est pourquoi paraît étrange l’idée de relancer la Quest3 ° sous le nom de X22, ou d’autres marques comme Magic®Export que l’on pourrait bientôt voir en France.

En fait l’objectif est très différent de celui d’une réduction du risque. L’idée est de faire de l’échec de la Quest3 ° un argument de vente pour la X22, en s’appuyant sur l’hypothèse savamment entretenue que la dépendance à la cigarette serait due à l’arrivée très rapide de la nicotine au cerveau. Bien que la X22 ait les arômes et le goût du tabac, elle ne pourrait donc être addictive du fait de sa très faible teneur en nicotine, ce qui expliquerait l’échec de la Quest3 °. On va donc faire de cet échec un argument. Voici un substitut comportemental non addictif. On pourra donc présenter cette cigarette comme un médicament de sevrage tabagique, sur prescription médicale ! Elle sera d’ailleurs commercialisée par Hercules Pharmaceuticals LLC, une filiale de la 22nd Century, qui cherche justement un PDG ayant « une vaste expérience internationale » [10].

Pandolfino, fondateur et PDG de la 22nd Century, s’appuie habilement sur les déclarations de Connolly qui, obsédé par l’idée d’addiction à la nicotine, réclame justement que la FDA exige une réduction massive du contenu en nicotine des cigarettes à approximativement 0,3 mg, « ce que contiennent les tomates » [11]. Or le 22nd Century Group est seul capable de fabriquer une telle "VLN cigarette" [12]. Cela évoque la possibilité d’une entente entre Connolly et ce groupe cigarettier, qui fabrique par ailleurs des cigarettes tout à fait conventionnelles. Mais on n’ose croire que Connolly puisse cautionner la promotion d’un tabac fumé, générateur d’oxyde de carbone et d’hydrocarbures cancérigènes dont il connait parfaitement la dangerosité, fut-il pratiquement sans nicotine, quand en proie à un accès de puritanisme il va même jusqu’à combattre le snus et les cigarettes électroniques.

La seule raison acceptable serait qu’il soit intimement certain que l’effet sur l’arrêt du tabac serait majeur et décisif. Mais c’est un pari très hasardeux. Il me semble heureux que les résultats préliminaires présagent l’échec. On peut donc espérer qu’il va s’élever publiquement contre une telle tentative d’utilisation de son nom. Pourtant sa proposition que la FDA bannisse toutes les cigarettes SAUF celles ayant un taux de nicotine très bas laisse perplexe [13]. Les fumeurs trouveraient certainement alors la parade, soit dans les cigarettes de contrebande, soit en fumant une X22 tout en mâchant une gomme à la nicotine.

La poule me semble donc encore promise à un bel avenir. Je me souviens que dans les années 1980, l’OMS prévoyait l’éradication du tabagisme en l’an 2000. Connolly considère que les projections selon lesquelles il aurait disparu en 2050 ne le satisfont pas suffisamment. Il souhaite « voir la dernière cigarette vendue à un enfant en 2020 » [14]. On peut espérer qu’il y inclut la X22. Espérons aussi que, pour un dentiste comme lui, ce ne sera pas "quand les poules auront des dents".

http://www.formindep.org/La-cigarette-X22-tuera-t-elle-la.html

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Message  alexandra Jeu 2 Aoû 2012 - 19:03

Le mythe de l’addiction à la nicotine
La Haute autorité de santé s’apprête à réviser la recommandation de l’Afssaps de 2003 sur les stratégies d’aide à l’arrêt du tabac. Cette recommandation "de bonne pratique" a été rédigée, comme beaucoup d’autres, sur la base d’une expertise en situation incontrôlée de conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique. Le résultat en était la promotion d’interventions médicamenteuses peu ou pas efficaces, voire présentant une balance bénéfice risque défavorable.

Dans cette lettre au Président de la HAS adressée le 27 juin 2012, le professeur Robert MOLIMARD résume les connaissances scientifiques sur l’effet réel de la nicotine chez les fumeurs. Elles permettent de comprendre la nécessité d’une expertise indépendante de l’industrie pharmaceutique, pour élaborer de nouvelles recommandations fiables et aider efficacement ceux qui veulent arrêter de fumer.

Ce document exceptionnel, fruit de 35 années de recherche par le pionnier de la tabacologie en France, doit être lu et relu par les soignants et patients soucieux de connaître le rôle réel de la nicotine dans l’addiction au tabac, sa place dans l’aide à son arrêt, pour des soins de qualité libérés des influences commerciales.
http://www.formindep.org/Le-mythe-de-l-addiction-a-la.html

Objet : Actualisation des recommandations de l’Afssaps de 2003 - Note de cadrage sur l’arrêt de la consommation de tabac : du repérage au maintien de l’abstinence.

.

Fournes-en-Weppes, le 27 juin 2012
A : Monsieur le Professeur Jean-Luc HAROUSSEAU
Président du Collège de la HAS
2 Avenue du Stade de France
93218 Saint Denis la Plaine Cedex

.

Monsieur le Président,

L’hôpital Paul Guiraud à Villejuif où je continue d’exercer une activité bénévole m’a communiqué la note de cadrage concernant la mise à jour des recommandations de bonne pratique concernant l’aide à l’arrêt du tabac publiées par l’AFSSAPS en 2003.

Il paraît effectivement nécessaire qu’une nouvelle recommandation soit édictée, d’autant que la tendance est que ces recommandations deviennent un jour opposables aux médecins. Il est donc de la plus haute importance qu’elles soient conformes aux meilleures preuves scientifiques, et libres de toute influence commerciale, ce qui n’était pas le cas de la recommandation 2003.

En tant que membre du conseil d’administration du Formindep et responsable de ce qui concerne le tabagisme, je suis mandaté par son président pour vous faire part de mes réflexions à ce sujet.



Mon expertise personnelle

J’estime avoir une expertise particulièrement solide sur le tabac et le tabagisme :

Clinique, puisque j’ai ouvert en 1977 à l’Hôpital de Nanterre une des premières consultations pour les patients souhaitant s’arrêter de fumer, et continue à ce jour à l’Hôpital Paul Guiraud. J’ai toujours assuré personnellement ces consultations.
Expérimentale. J’ai consacré l’activité de mon laboratoire de médecine expérimentale de l’UER de Saints-Pères à Paris à des recherches sur le phénomène de dépendance au tabac et à ses composants, travaux que je continue en m’associant au laboratoire de neuro-psycho-pharmacologie du Docteur Renaud de Beaurepaire à l’Hôpital Paul Guiraud.
Associative. J’ai fondé en 1983 la Société d’Etude de la Dépendance Tabagique, devenue en 1990 Société de Tabacologie, selon un néologisme que j’ai proposé. Je l’ai présidée jusqu’en 2004.
Enseignement. J’ai créé en 1986 à Paris V le diplôme "Dépendance tabagique et Phénomènes comportementaux apparentés", que j’ai organisé jusqu’en 2009, sous le nom de Diplôme Interuniversitaire de Tabacologie à Paris XI - Paris XII. C’est, je le crois, le premier enseignement coordonné au monde sur le sujet. J’ai ouvert le site internet http://tabac-humain.com pour continuer à diffuser cet enseignement, lorsque cela ne m’a plus été possible dans le cadre de l’Université.

Cette expertise m’avait valu d’être inscrit d’office en 2003 dans le groupe de travail de l’AFSSAPS, présidé par le Professeur Gilbert Lagrue. Je n’ai cependant pas participé à l’élaboration de cette recommandation.

En effet, le décret d’application de l’article 26 de la loi du 4 mars 2002 (décret 2007-454 du 25 mars 2007) n’étant alors pas paru, les différents experts participant à la rédaction de ces recommandations n’étaient pas tenus de déclarer leurs liens d’intérêt. Il me semblait cependant évident que ce groupe était sous l’influence dominante de Pfizer et GSK, Pierre Fabre Santé et Novartis. Ayant eu l’expérience d’une réunion antérieure à l’AFSSAPS et de deux à l’INPES dans une ambiance analogue, j’avais parfaitement compris que mes arguments n’avaient aucune chance d’être entendus. De ce fait, la vaste étude bibliographique analysée n’a pas été soumise à une critique objective nécessaire, alors que les travaux cités sont en majorité financés par l’industrie pharmaceutique [1].

Ces recommandations paraissent donc plutôt comme le support officiel de la promotion d’un traitement médicamenteux, à l’époque essentiellement des "substituts nicotiniques". Or la note de cadrage fait expressément référence à la mise à jour de la Guideline US de 2000 [2], et en reflète l’esprit. Compte tenu des considérables liens d’intérêts des leaders US avec les firmes pharmaceutiques fabriquant ou vendant des médicaments dits « de sevrage tabagique », j’ai les plus vives inquiétudes concernant l’indépendance de la future recommandation.

Le mythe de l’addiction à la nicotine

Ove Fernö, un chimiste suédois de la firme LEO raconte dans une interview la saga de la mise au point de la gomme à la nicotine, de 1967 au brevet en 1978 [3]. D’après son auto-observation, il avait la conviction que la nicotine était le facteur de la dépendance au tabac. Pourtant l’équipe de Russell à Londres se posait déjà des questions à ce sujet [4].

En fait, de simples observations pouvaient déjà mettre en doute que la nicotine seule puisse expliquer la puissante dépendance au tabac :

Habituellement, lorsqu’un chimiste isole d’une plante addictive une molécule active, les toxicomanes s’en emparent rapidement (morphine de l’opium, cocaïne de la feuille de coca, tétrahydrocannabinol du cannabis, etc.)
Nous connaissons la nicotine depuis un siècle et demi, extraite, synthétisée. Utilisée comme insecticide, nous n’avons aucune observation de son utilisation à visée toxicomaniaque.
Dans les périodes de guerre où le tabac était rare et contingenté, nous n’avons aucune observation d’ajout de nicotine à des cigarettes de feuilles diverses, armoise, noyer etc. utilisées comme substituts du tabac.
Dans les mêmes conditions, aucun trafic de nicotine n’a été relaté.
La nicotine pure peut être obtenue de firmes chimiques (Fluka) à 440 € le litre, ce qui pour 1 € correspond à ce qu’apporteraient 143 paquets de cigarettes. Aucune "drogue" n’est accessible à un prix aussi bas.


Justification des formes galéniques de nicotine

La nicotine est un produit naturel depuis longtemps décrit, tout comme ses procédés d’extraction ou de synthèse. Rien de ce qui la concerne n’est donc plus brevetable. Son prix est extrêmement faible par rapport à la dose toxique. Les compagnies pharmaceutiques ayant en vue une commercialisation devaient donc faire face à un problème de rentabilité. Comprimés ou solutions de nicotine à ingérer étaient des formulations simples peu onéreuses, exposées sans protection à la concurrence. Il fallait absolument augmenter le "cadre de prix". La solution vint de l’exploitation de l’effet de premier passage hépatique . L’argument est que la nicotine ingérée est absorbée par voie intestinale. Elle serait amenée au foie par la circulation porte, où elle est détruite avant d’atteindre la circulation générale. Elle serait donc inefficace. Il fallait donc imaginer des voies d’administration court-circuitant le foie. Les muqueuses buccale et nasale et la peau sont drainées par des veines périphériques. Le sang gagne alors directement le coeur droit d’où, après le circuit pulmonaire que peut éviter un inhaleur, le cerveau. Ont été ainsi mis au point gommes, patches, inhaleurs, spray nasaux, brevetables et à forte valeur ajoutée. Une objection majeure est que la destruction de la nicotine ingérée par le foie n’est pas totale. On sait depuis longtemps qu’un tiers de la dose ingérée y échappe et accède directement à la circulation générale [5]. Au pH de l’organisme, un tiers de la nicotine n’est pas ionisée et très liposoluble. Elle peut suivre l’absorption des graisses par le canal thoracique, évitant le foie. Ainsi, avaler simplement 4 mg de nicotine dans un verre d’eau en apporterait 30 % dans le sang artériel, soit 1,2 mg, exactement ce que fournit une gomme à 4 mg.

On a beaucoup insisté sur les 7 à 9 secondes que met la nicotine d’une bouffée de cigarette inhalée pour arriver directement au cerveau. Un pic de nicotinémie serait ainsi renouvelé à chaque bouffée, réalisant des "shoots" cérébraux répétés de nicotine. Ils sont considérés comme d’importance capitale pour l’établissement et l’entretien de la dépendance, et expliqueraient le succès de la cigarette. Cependant, la tomographie à positrons a montré que de tels pics n’existaient pas au niveau cérébral. La nicotine marquée s’y accumule très progressivement pour atteindre un maximum en 5 minutes environ [6]. Plus simplement, les chiqueurs ou priseurs de tabac en sont extrêmement dépendants, sans être sujets à de tels pics.

Le développement de la nicotine commerciale

Karl Fagerström, diplômé de psychologie en 1975, travaille alors pour sa thèse avec la gomme LEO. Il propose en 1978 un test pour évaluer la dépendance des fumeurs, le FTQ (Fagerström Tolerance Questionnaire). Le titre est neutre et assez incompréhensible, mais Fagerström exprimait par ailleurs clairement que le but était de mesurer une dépendance à la nicotine, jugée expliquer la dépendance au tabac [7]. En 1983 il intègre la firme devenue Pharmacia & Upjohn. Il en est le Directeur de l’information scientifique sur les substituts nicotiniques.



Le rapport "Nicotine Addiction" [8]

Ce rapport, base de tout le développement de l’histoire des "substituts nicotiniques", est basé sur un syllogisme :
Prémisse 1 : Le tabac cause une puissante dépendance ;
Prémisse 2 : Le tabac contient la nicotine, poison neurotrope rare dans les autres plantes ;
Conclusion : La nicotine est responsable de la dépendance au tabac.

Mais il s’agit en fait d’un pur sophisme. Le tabac contient tellement d’autres substances, qui peuvent agir en synergie, éventuellement avec la nicotine, qu’on ne peut tirer une telle conclusion. D’ailleurs, dans cet énorme ouvrage aux 3 200 références, on chercherait en vain un seul article montrant que l’Homme peut être dépendant de la seule nicotine. Par contre, le chapitre « Traitement » se focalise d’emblée sur le « Nicotine replacement therapy ». Or on ne disposait alors d’aucun recul sur l’efficacité de ce nouveau traitement, car la FDA venait seulement d’approuver la mise sur le marché de la gomme à 2 mg.

Mais l’affaire était lancée. Le « Test de Dépendance à la Nicotine », mis au point par Karl Fagerström, était universellement diffusé, y compris dans les recommandations 2003 de l’AFSSAPS. [9]. Il a largement contribué à implanter l’idée que la dépendance au tabac était une dépendance à la nicotine. Cela justifiait de traiter avec un médicament qui, tout en satisfaisant le besoin du fumeur, n’avait aucun des dangers de la cigarette.

Pourtant il s’agit d’un abus sémantique manifeste car aucun des 6 items du test de Fagerström ne fait référence à la nicotine. Dans le premier test à 8 items un seul, retiré ultérieurement comme sans pertinence, se référait au rendement en nicotine des cigarettes. Une étude factorielle montrait vite que l’essentiel de la variance était expliquée par deux facteurs orthogonaux : 1 - la précocité de la première cigarette de la journée et 2 - le nombre de cigarettes fumées quotidiennement [10]. Il s’agit donc uniquement d’un test de dépendance à la cigarette. C’est ce que Fagerström lui-même, en rupture avec ses sponsors, finit par reconnaître après des années d’intoxication des esprits, en demandant que soit changé le titre de son test. [11]

La nicotine est-elle addictive ?

C’est le centre de la question. On peut déjà noter qu’il n’existe aucun exemple d’utilisation première de la nicotine seule comme "drogue", alors que les toxicomanes sont prompts à adopter les molécules purifiées extraites des plantes dont ils sont dépendants.

La seule éventualité est celle de la persistance d’une addiction résiduelle à la seule nicotine, induite chez les ex-fumeurs par l’usage antérieur du tabac :

Bien qu’elle ait été depuis longtemps disponible comme insecticide, nous n’avons pas d’exemple d’utilisation de la nicotine en remplacement dans des périodes de pénurie de tabac.
Dans des premières études sur la gomme à la nicotine contre une gomme placebo, le pourcentage de sujets ayant arrêté de fumer qui continuent à mâcher la gomme au bout d’un an est pratiquement identique, qu’il s’agisse de gomme active ou placebo, respectivement 44 % et 42 % [12]. Deux facteurs peuvent être invoqués pour expliquer un pourcentage aussi élevé dans les deux groupes : 1 - Un tic masticatoire. 2 - La peur de reprendre une cigarette à l’arrêt de la gomme.
Le pourcentage d’utilisation prolongée de substituts nicotiniques, chez d’anciens fumeurs antérieurement très dépendants du tabac, est faible et discutable. Au bout d’un an, 6 % seulement continuaient à utiliser la gomme [13]. Une étude de 2007 confirme la faiblesse de ces utilisations prolongées. Sur 1 518 patients, 76 (5 %) seulement continuaient à utiliser la nicotine au bout d’un an, dont 2 % des utilisateurs de patches, 7 % de comprimés sublinguaux, 8 % de losanges, 8 % d’inhaleurs, 9 % de gommes, et 13 % de spray nasaux [14]. Les sujets très dépendants du tabac ne manifestent donc pas une forte addiction à la nicotine, comme le montre le très petit pourcentage d’utilisateurs prolongés de patches. Lorsqu’une stimulation sensorielle est associée, ce pourcentage augmente, mais reste très en deçà de ce qu’on aurait été en droit d’attendre de la substitution de l’usage addictif d’une plante par sa molécule active seule. Au contraire, la molécule active est beaucoup plus addictive en général que la plante originelle et en supplante même souvent l’usage.

La nicotine est-elle efficace ?

Une grande majorité de publications s’accordent pour attribuer aux gommes à la nicotine une amélioration du succès des tentatives d’arrêt. Cependant, le pourcentage d’abstinents reste à un niveau faible. Ainsi, une méta-analyse portant sur 14 essais randomisés, trouve que, dans des consultations spécialisées, les succès comparés de la nicotine et de la gomme placebo sont respectivement de 27 % vs 18 % à 6 mois, et 23 % vs 13 % à 12 mois. Cependant ce taux de succès est beaucoup moins brillant en pratique générale 17 % vs 13 % à 6 mois, et 9 % vs 5 % à 12 mois [15].

Concernant le timbre, une méta-analyse sur 17 études (N = 5 098) lui est assez favorable, 27 % vs 13 % en fin de traitement, et 22 % vs 9 % à 6 mois. [16].

Une très large méta-analyse par le groupe Cochrane en 2008 donne des résultats également favorables, du même ordre de grandeur. Elle portait sur 40 000 fumeurs en 132 études, suivis au moins 6 mois. Pour l’ensemble RR = 1,58 (1,50-1,66), dont 1,43 pour la gomme, 1,66 pour le timbre, 1,90 pour l’inhaleur, 2,00 pour les pastilles et 2,02 pour le spray nasal. [17]. Cependant, une autre métaanalyse portant sur 7 études trouve des résultats beaucoup moins brillants. Quatre portaient sur la gomme, deux sur l’inhaleur et une laissait le libre choix. Les 2 767 fumeurs étaient traités pendant 6 à 18 mois, et suivis de 12 à 26 mois. 6,75 % seulement étaient abstinents à 6 mois, contre la moitié recevant le placebo [18].

Quelques objections majeures viennent cependant tempérer ces résultats d’études randomisées à double insu qui, pour en être favorables, restent cependant modestes, en moyenne 1,6 fois l’effet du placebo :

1 - En théorie, si le double insu était strict, les fumeurs ne devraient pas pouvoir deviner quel produit ils ont reçu dans plus de 50 % des cas. Il suffit donc de le leur demander. Or ils connaissent les effets de la nicotine et sont souvent capables de deviner juste. En fait, la qualité du double insu n’est en général ainsi pas vérifiée. [19].

2 - Comparés avec des études indépendantes, les résultats des essais financés par l’industrie sont plus souvent significatifs, avec des rapports de cotes plus importants [20]. De plus, les résultats ont tendance à être publiés dans des revues à plus large impact [21].

3 - Le biais de publication est difficilement calculable tant que les essais ne sont pas systématiquement déclarés. C’est ainsi que j’ai personnellement coordonné une étude multinationale sur un patch à la nicotine. Elle a été remarquablement réalisée par une entreprise spécialisée dans les essais cliniques (Besselaar). Les résultats n’ayant pas été favorables, le laboratoire qui avait financé l’étude ne l’a pas publiée.

De plus lorsque les "substituts nicotiniques" ont cessé d’être délivrés sur prescription médicale et ont été vendus librement "over the counter" sans prise en charge psychologique, leur efficacité n’est plus décelable après 3 mois [22]. Plusieurs méta-analyses ont étudié ce problème. Ainsi, l’une a porté sur 4 études d’essais randomisés, comparant un patch à la nicotine à un patch placebo, avec une OR de 2,5 en faveur de la nicotine. Dans quatre études comparant la prescription à l’achat "over the counter", dont deux randomisées, les résultats ne sont absolument pas homogènes. Combinés, le résultat n’est pas significatif (OR = 1,4 ; IC 95 % : 0,6-3,3). A long terme (au delà de 6 mois), le taux d’abstinence est misérable, très inhomogène selon les études (de 1 % à 11 %) globalement à 7 % (IC 95 %: 4 % to 11 %) [23]. Une revue méthodologique des publications sur l’intérêt des substituts nicotiniques en population réelle, vendus sans ordonnance, révèle de nombreux défauts, y compris la fourniture de substituts gratuits, l’absence d’évaluation de la qualité du double insu, et d’un suivi sérieux, ainsi que d’importantes limitations concernant les méta-analyses. Cette revue conclut que la supériorité des substituts nicotiniques "over the counter" sur l’arrêt du tabac sans aide n’est pas démontrée de façon convaincante [24].

Un aspect important est l’efficacité dans les études de cohorte. Dans un questionnaire adressé en 1998 aux participants d’une cohorte établie en 1989, 1 954 répondeurs étaient fumeurs en 1989. 36 % avaient utilisé des substituts nicotiniques, alors disponibles sans ordonnance, (10 % la gomme, 16 % le timbre, et 10 % les deux). Leur taux de succès était de 30 %, contre 39 % chez les non-utilisateurs (p<0,01)). Les auteurs concluent que cela traduit vraisemblablement une tendance à utiliser la nicotine chez les fumeurs très dépendants qui n’arrivent pas à arrêter seuls. [25].

Une autre étude prospective de la Harvard School of Medicine a consisté à recruter par téléphone de façon aléatoire des fumeurs ayant arrêté de fumer dans les deux dernières années. Interviewés entre janvier 2001 et juin 2002, puis dans une seconde vague entre janvier 2003 et juin 2004, et enfin entre janvier 2005 et juin 2006, leur taux d’abstinence a été évalué selon qu’ils avaient ou non utilisé des médicaments nicotiniques, et éventuellement des conseils par professionnels, associés ou non. La conclusion est décevante. Aucun effet n’a été observé sur le maintien de l’abstinence, quelle que soit la thérapeutique utilisée [26].

Les adolescents sont une population où l’efficacité d’un traitement serait d’une importance particulière. Une méta-analyse a porté sur 6 essais contrôles randomisés comportant 816 fumeurs de 12 à 20 ans. Aucune augmentation significative de l’abstinence n’a été observée, aussi bien à court terme (12 semaines) qu’avec un suivi de 26 semaines. [27].

L’aspect financier
•Le remboursement

Initialement, les gommes à la nicotine devaient être délivrées sur ordonnance médicale. C’était un frein considérable à leur diffusion, d’autant que l’Assurance maladie n’acceptait pas de les rembourser. C’était une attitude logique. La nicotine n’est pas un traitement du cancer du poumon, de l’infarctus ou de la BPCO. C’est donc très indirectement, de façon aléatoire et à longue échéance, qu’elle pourrait éventuellement les prévenir. Or l’assurance maladie a toujours refusé de prendre en charge la prévention, qui porte sur de grandes populations, et est de ce fait particulièrement onéreuse. Elle considère que c’est du ressort des politiques de santé publique.

Faute de pouvoir obtenir ce remboursement, les firmes pharmaceutiques ont fait pression pour que la nicotine puise être obtenue sans ordonnance, arguant du fait qu’il était illogique de pouvoir l’acheter sans contrôle ni limite sous forme de tabac. Ayant eu gain de cause, elles étaient dès lors autorisées à faire de la publicité dans les media pour ces produits, ce qui est interdit pour les médicaments de prescription. Mais, malgré des campagnes télévisées intenses, alors que nul n’a été besoin de publicité à la télévision ou sur les culs-de-bus pour que les héroïnomanes découvrent par eux-mêmes que la codéine soulageait quelque peu leur manque, les fumeurs n’ont pas suivi. Les ventes ne se sont pas envolées, et l’efficacité générale n’a pas été accrue.

Les pressions du lobbying se sont alors faites fortes auprès du gouvernement pour contourner l’interdiction de remboursement. Les médicaments de "sevrage tabagique" ont alors été présentés comme de première nécessité, si bien que le 1er février 2007, le gouvernement a décidé d’accorder une subvention de 50 € par an et par fumeur pour lui permettre l’achat de substituts nicotiniques, portée à 150 € pour les femmes enceintes. À peine arrivée sur le marché, la varenicline a immédiatement bénéficié de cette disposition, pour n’en être retirée qu’en juin 2011 du fait de la multiplication des accidents attribués à ce produit. Evidemment, c’est l’Assurance maladie qui a été mise à contribution. Mais en dépit de ce remboursement déguisé, la publicité à continué à être diffusée, parfois sous forme masquée indirecte pour la varenicline. « Tabac, j’arrête avec mon médecin ! » était une campagne Pfizer lancée avec le partenariat de diverses sociétés savantes.


•La gratuité

Un pas de plus vers la prise en charge par la collectivité de ces médicaments est que les fumeurs puissent les obtenir gratuitement, aux dépens évidemment de l’Assurance maladie. Très peu de publications ont évalué l’impact de la gratuité des substituts nicotiniques sur les succès. La plus ancienne ne porte que sur 375 fumeurs. Je n’ai pu lire que l’abstract. Il ne précise pas la répartition des groupes. L’employeur fournissait le produit. Au bout d’un an, les succès étaient de 38 % vs 27 % en faveur de la nicotine gratuite. [28]. Une large étude française a été réalisée dans les Centres d’Examens de Santé. Deux groupes étaient constitués. Dans les 22 centres du groupe "intervention" 1 585 fumeurs (38 % des éligibles) acceptèrent d’entrer dans l’étude. Ils recevaient un document leur permettant d’obtenir gratuitement chez un pharmacien pour 3 mois de traitement par gomme ou patch au choix. Dans les 25 centres témoins, 2 597 fumeurs (45,9 % des éligibles) ne recevaient que le conseil minimal. Un questionnaire était envoyé à domicile au bout de 6 mois pour juger de l’évolution du tabagisme. 26 % des questionnaires ont été retournés dans les 2 groupes, faisant état d’un arrêt du tabac dans 29,9 % du groupe intervention et 10,3 % du groupe témoin. [29]. C’est une étude ouverte de l’effet des médicaments nicotiniques comparativement à un groupe témoin ne recevant que de conseils. Les succès sont tout à fait comparables à des études analogues, voire à certains essais contre placebo. Cette étude n’analyse en aucune façon l’effet de la gratuité, et ne peut plaider en sa faveur. Construire un protocole expérimental qui ne prête pas à critique sur un tel sujet est quasi impossible. Une approche différente a cependant été réalisée. L’hypothèse était d’approvisionner en patches gratuits pour des traitements variant de 2, 4, 6 et 8 semaines des fumeurs suffisamment motivés pour avoir appelé une ligne téléphonique d’aide à l’arrêt. Un contact téléphonique après 12 mois jugeait du résultat. Aucune relation entre la dose et les succès n’a été observée. Les auteurs reconnaissent qu’aucune conclusion ferme ne peut en être tirée et que des études ultérieures seraient nécessaires [30].

Les effets de la nicotine

Il apparaît clair que la nicotine n’est pas l’unique facteur de la dépendance au tabac. Mais ce n’est pas une molécule inerte, et certains fumeurs peuvent tirer partie de ses effets pharmacologiques, sans pour autant créer une dépendance, tout en étant un facteur capable de l’entretenir.

• La glycémie

La nicotine augmente rapidement la glycémie en mobilisant le glycogène hépatique par son action adrénergique. Par voie humorale, elle libère de l’adrénaline par action directe sur la médullosurrénale. Par voie nerveuse, en stimulant le neurone sympathique post ganglionnaire qui émet les nerfs glucosécréteurs hépatiques. Ainsi, la première cigarette du matin augmente la glycémie plus rapidement que le petit déjeuner. C’est ce que confirme l’étude non publiée sur un patch dont j’ai fait état. Les sujets avaient un bilan biologique à jeun le matin de la pose de leur premier patch, et un contrôle après 6 semaines de traitement. La glycémie des 80 succès n’avait alors pas varié depuis la valeur de départ, tandis que chez les 277 qui avaient repris leurs cigarettes, elle s’était accrue de 4,7 % (p<0,001). Mais, en ne considérant que les sujets qui avaient reçu le timbre placebo, la glycémie initiale des 25 succès était de 5 mOs/l, alors que celle des 101 échecs était inférieure à 4,6 mOs/l. Tout se passe donc comme si certains fumeurs légèrement hypoglycémiques n’avaient pas supporté la privation de leur cigarette. La compensation alimentaire suscitée par les fringales est alors la seule façon d’y faire face, avec pour corollaire la prise de poids [31]. Ceci peut expliquer certains succès thérapeutiques de la nicotine, en général limités aux premières semaines d’abstinence, avant que les fumeurs retrouvent leur équilibre glycémique en reprenant une cigarette.

•La stimulation

Beaucoup de fumeurs disent que fumer les stimule, les maintient en éveil, les aide à travailler, physiquement et intellectuellement. C’est clairement une action stimulante de la nicotine sur le locus coeruleus [32]. A l’arrêt du tabac, certains fumeurs peuvent ressentir une diminution d’efficacité et trouver une amélioration dans la nicotine médicamenteuse. D’ailleurs des comprimés de glucose ont eu une action favorable sur le désir de fumer. [33]. Cependant une étude randomisée n’a pas démontré d’effet sur l’abstinence [West R, May S, McEwen A, McRobbie H, Hajek P, Vangeli E.. A randomised trial of glucose tablets to aid smoking cessation. Psychopharmacology (Berl). (2010) 207(4):631-5]. Ceci démontre que la correction d’une hypoglycémie n’est pas un facteur de la dépendance tabagique, bien que bénéfique pour atténuer les effets du sevrage.

•La relaxation

Une majorité de fumeurs déclarent que la cigarette les relaxe, ce qui paraît paradoxal, contrastant avec l’effet adrénergique de stimulation centrale, tel qu’on le voit dans le stress qui, comme ce terme l’évoque, s’accompagne au contraire d’une tension musculaire par stimulation du système réticulé descendant. Ce phénomène est connu sous le nom de « paradoxe de Nesbitt », qui a reçu de nombreuses tentatives d’interprétation, sans qu’aucune soit parfaitement satisfaisante [34]. En fait la réponse était déjà donnée bien avant la publication de Nesbitt. [35]. La nicotine stimule directement l’interneurone de Renshaw de la corne antérieure de la moelle. La conséquence est l’inhibition de l’activité des motoneurones α qui devraient normalement répondre par une hyperactivité tonique à la contraction des fuseaux neuromusculaires sous l’influence de la stimulation réticulée par la nicotine. Il en résulte une chute du tonus musculaire, une réelle relaxation perçue par le fumeur, d’origine médullaire, contrastant avec la stimulation centrale. Cet effet, en particulier chez les sujets stressés, peut être ressenti par le fumeur comme un bénéfice, et expliquer également des effets initiaux favorables de la nicotine au début de l’abstinence.

Cependant par son action centrale, la nicotine entretient anxiété et le stress, qui ont tendance à s’atténuer à l’arrêt de la cigarette [36].

Nicotine et système de récompense du cerveau

La mise en évidence s’un système de récompense [37] a déclenché une foule de travaux sur les relations entre les produits générateurs de dépendance et le nucleus accumbens. En effet, pratiquement toutes les drogues connues stimulent ces structures cérébrales, de façon souvent intense. Bien entendu, on a expliqué la dépendance au tabac par le fait qu’à l’instar de autres drogues, la nicotine les stimulait, et de nombreux schémas explicatifs ont été publiés dans la presse de vulgarisation.

Cependant, la stimulation par la nicotine est très faible, comparée à l’amphétamine et la cocaïne. Il est très difficile d’obtenir des auto-administrations chez le rat, je m’y suis essayé sans succès pendant des années, alors que je les obtenais facilement avec la cocaïne. On n’y arrive que par des subterfuges, où l’on remplace par de la nicotine un renforçateur ayant déjà induit une addiction, et dans des souches de rats sélectionnés. L’extension au tabagisme humain d’un modèle où la sécrétion de dopamine dans le nucleus accumbens à partir de données animales, très variable selon l’espèce et la souche, pourrait ne pas être suffisamment justifiée [38]. Chez l’Homme en effet, les études de libération de dopamine dans le striatum sous l’influence de la nicotine ne donnent pas des résultats aussi tranchés. Il n’y a aucune différence générale de concentration de dopamine dans aucune des régions du striatum explorées sous l’influence de la nicotine. Cependant les modifications individuelles de concentration en dopamine étaient corrélées avec des sensations subjectives agréables (joie, amusement), suggérant que la dopamine puisse cependant jouer un rôle dans les effets de la nicotine [39].

A l’opposé, apparaissent comme une voie plus intéressante les effets de la nicotine sur les structures impliquées dans la réaction aux stimulus à fumer, amygdale et cortex cingalaise [40] et dans les structures de mémorisation comme l’hippocampe [41]. C’est ainsi que peuvent s’interpréter les remarquables résultats de mon ancienne thésarde C. Cohen. Ayant obtenu que des rats s’auto-administrent de la nicotine par voie veineuse, elle associa un stimulus audiovisuel à la pression du levier, mais la moitié d’entre eux ne recevaient plus de nicotine. Ne recevant que du sérum salé, ce groupe rapidement ne pressa plus le levier, démontrant que le stimulus audiovisuel ne suffisait pas à entretenir le comportement d’administration. Après un temps, elle supprima alors la nicotine dans le premier groupe. Ne recevant plus de nicotine, les rats continuèrent à presser les leviers, avec une fréquence croissante, pendant une durée supérieure à 3 mois, où elle arrêta l’expérience [42]. Ainsi la nicotine s’est montrée nécessaire pour obtenir le comportement, mais celui-ci continuait en son absence, comme si elle avait gravé en mémoire le stimulus associé. Ceci permet d’éclairer des observations, dans lesquelles les fumeurs abstinents préfèrent des cigarettes dénicotinisées à des gommes à la nicotine [43], ainsi sans doute que certains ex-fumeurs sont satisfaits par des cigarettes électroniques ne contenant pas de nicotine.


Conclusion

Nous ne disposons hélas d’aucune médication suffisamment efficace pour faire l’objet d’une recommandation, qu’il s’agisse de la nicotine sous toutes ses formes, du bupropione (Zyban°) ou de la varenicline (Champix°). Le niveau de preuve de leur efficacité est très faible et critiquable. Les médecins sont formatés à la prescription quasi-obligatoire de ces produits par une littérature scientifique biaisée et des leaders d’opinion liés par des conflits d’intérêts, et par la demande d’une population conditionnée par les revues grand public et la publicité. Le rôle des autorités de santé serait d’apporter une information objective à l’égard de ces produits, dont l’activité n’est guère supérieure à un effet placebo, mais avec des conséquences financières qui grèvent inutilement le budget des familles et de l’Assurance maladie. Une analyse sérieuse me semble ne pouvoir conclure qu’à un très faible rapport bénéfice/coût ou risques.

C’est pourquoi nous vous demandons, monsieur le Président, d’être particulièrement attentif à la composition de la commission et à l’objectivité et l’indépendance de ses travaux. Je dois ajouter qu’il risque de vous être difficile de trouver des experts indépendants dans le domaine du tabagisme, depuis des années soumis au marketing des firmes.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de mes sentiments les plus respectueux.

Robert MOLIMARD

.

On peut parier que notre brillante nouvelle ministre de la santé ne prendra pas la peine de lire cette analyse comme elle vient d'annoncer qu'elle était pour les paquets neutres parce que"les jeunes aiment les jolis paquets de cigarette". Degré zéro de la réflexion. Les apparences sont trompeuses, la parité homme-femme est bien réelle dans beaucoup plus de domaine qu'on ne le pense.

alexandra

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Message  alexandra Mer 5 Sep 2012 - 18:47

Les conseilleurs et les payeurs
A propos des lignes téléphoniques d’aide à l’arrêt du tabac


L’attribution par l’INPES du marché de la ligne Tabac Info Service à l’entreprise Direct Medica, aux dépens de l’Office Français du Tabagisme qui l’avait gérée depuis sa création, agite actuellement à juste titre les media. Certes, avec Direct Medica, les choses sont claires : les conseils aux fumeurs seront la promotion directe des médicaments dits de sevrage. Cependant, dans une interview à l’Express le 1er février 2012, le Pr Dautzenberg, président de l’OFT, ne déclarait-il pas : « Un bon expert sans lien d’intérêt, ça n’existe pas. J’ai clairement des liens avec la totalité des industriels qui proposent des substituts nicotiniques. Du coup, je n’ai aucune raison de privilégier l’un ou l’autre, je pense même que j’exploite les labos davantage qu’ils ne m’exploitent. » Lorsque un message de Joseph Osman, directeur de l’OFT, ancien élève du DIU de tabacologie, essaya de soulever mon indignation à ce propos, nous en discutâmes avec notre Président, pour arriver à la conclusion qu’OFT et Direct Medica, c’était bonnet blanc et blanc bonnet, et qu’il était urgent que le Formindep ne prenne pas parti dans ce conflit.

Mais quel qu’en soit le bénéficiaire, l’attribution de fonds publics à des groupes plus intéressés par la promotion de médicaments que par le sort des fumeurs pose un réel problème, et d’abord sur l’utilité des aides en ligne.

Les aides en ligne type "Tabac Info Services" sont-elles efficaces ?

Le biais de sélection est le péché originel qui grève toute évaluation. On n’appelle pas une aide téléphonique par hasard. Cela traduit-il un très fort désir d’arrêter, un degré supérieur de maturation, une information particulière qui pourraient expliquer de meilleurs succès qu’en population générale, comme l’avancent de nombreuses publications ? Une des premières études a porté sur l’effet du conseil téléphonique. L’abstinence à un an a été de 14,7 % pour un livre-guide, de 19,8 % si lui était associé un simple conseil unique, et de 26,7 % pour un suivi avec conseils répétés [1]. Une enquête écossaise a montré que sur plus de 80 000 fumeurs, environ 5,9 % avaient appelé la ligne téléphonique dans l’année suivant sa mise en service. Parmi eux, 23 % d’une cohorte de 848 appelants tirés au sort avaient arrêté de fumer au bout d’un an [2]. Ainsi, dans une population demandeuse, de simples conseils téléphoniques ont eu un effet favorable.

Cependant, ces lignes d’aide ont tendance à recommander de surcroît l’usage de médicaments, essentiellement de la nicotine. Cela intéresse évidemment les firmes pharmaceutiques, qui vont jusqu’à demander leur fourniture gratuite aux fumeurs, sur la base de rapports coût/efficacité, quand celle-ci reste à démontrer. Ainsi un article qui y est très favorable se défend de toute influence des firmes, tout en admettant avoir été financé par Pfizer ! [3].

Or y a-t-il un intérêt à ajouter à de simples conseils la promotion de médications ? Dans ma lettre au Président de la HAS, publiée sur ce site, je pense avoir amplement démonté le mythe de la dépendance à la nicotine et, a fortiori, son peu d’intérêt thérapeutique. La réponse semble clairement apportée par une étude portant sur 2 591 fumeurs ayant appelé la quitline nationale britannique entre février 2009 et février 2010, et accepté de fixer une date d’arrêt. Quatre groupes étaient constitués par tirage au sort. Le but était de comparer l’effet de deux types de soutien, selon qu’ils étaient associés ou non à la fourniture gratuite de patchs à la nicotine : 1 - Soutien standard déjà très élaboré, ne faisant que signaler la possibilité d’utiliser des substituts nicotiniques. 2 - Soutien intensif très interactif, avec de nombreux appels autour de la date d’arrêt et des entretiens motivationnels. L’oxyde de carbone a été mesuré dans l’air expiré chez environ 50 % des sujets de tous les groupes. Il a confirmé dans 85 % des cas la réalité de l’arrêt. La conclusion est claire : ni le soutien intensif, ni la fourniture gratuite de nicotine ne donnent des taux d’arrêt supérieurs à ceux du simple soutien standard. Les différences ne sont pas significatives, mais le moins qu’on puisse dire est qu’il n’y a aucune tendance en leur faveur. Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts [4].

Une étude, subventionnée par la Commission Européenne, a porté sur les lignes d’aide de 9 pays de la Communauté, dont Tabac-Info-Service. 500 appelants par ligne ont été rappelés et interviewés, immédiatement puis 12 mois plus tard. 83 % des appelants sont satisfaits. Il y a de grandes différences selon les lignes d’aide, mais un quart prodigue seulement des conseils. 55,8 % préconisent les médicaments, essentiellement la nicotine. De 33 % en Italie, ce taux atteint 71,5 % en France et 73,2 % au Royaume Uni. Le taux d’abstinence global à 12 mois est de 18,2 % pour l’abstinence ponctuelle lors de l’appel, mais de 9,4 % seulement pour l’abstinence continue. Aucun effet du type de service (conseils, brefs avis, information, etc.) n’a été observé. On a 2,25 fois plus de chances de rester abstinent si l’on reçoit des appels ultérieurs de la ligne d’aide. De même, voir un professionnel de santé hors la ligne d’aide augmente un peu les chances d’abstinence. L’article évalue à 85 € par succès le coût de la ligne d’aide. Il est un peu curieux que les recommandations préconisent le recours à la nicotine médicamenteuse, sans que cela puisse être déduit clairement de leur étude. A signaler l’absence de déclaration de liens d’intérêts [5].

L’efficacité des aides en lignes tient exclusivement aux "conseils"

Basée sur l’analyse de 48 essais, la conclusion du groupe Cochrane est que les conseils téléphoniques aident les fumeurs qui souhaitent s’arrêter, avec un effet-dose en faveur de conseils répétés [6]. Mais que disent réellement ces conseils ? Une étude montre que les messages mettant en valeur les bénéfices à arrêter sont plus efficaces que ceux basés sur la peur. Encore, l’effet visible à deux semaines est-il éteint trois mois plus tard [7].

Il est bien difficile de savoir réellement ce qui se dit entre un appelant et un conseiller. Mais est-ce important ? Le fumeur est largement abreuvé par des sources multiples sur les risques à fumer, et les bénéfices à s’arrêter. Il est même le plus informé en la matière. Apparemment, il n’a que faire du type de conseils, comme le prouve l’absence de différence entre des conseils standards et des conseils plus sophistiqués. Mais l’effet de leur répétition, quels qu’ils soient, est efficace. Il y là un paradoxe.

Je pense l’expliquer. Que demande un fumeur ? Un contact humain qui puisse lever son angoisse. Il demande qu’on l’écoute. Il veut quelqu’un à qui parler, pas un répondeur qui lui débite ce qu’il a entendu mille fois. Multiplier les études pour améliorer le contenu des messages me semble vain. Si un tel contact peut s’établir avec la répétition, elle sera plus efficace.

Si clairement les patchs et gommes à la nicotine n’apportent rien, et si leur promotion commerciale occupe un temps de communication qui ne répond pas à la demande du fumeur, une ligne d’aide devrait être totalement libre de tout lien avec les firmes pharmaceutiques, et centrée sur l’écoute interactive.

Qui seraient les "payeurs" ?

Le montant du marché serait-il suffisant pour financer une telle ligne sans la contraindre à des ressources complémentaires aliénantes ? Selon des informations rapportées par Le Point, il s’agirait de 1,3 millions d’euros. Curieusement, quand il s’agit de l’attribution de l’argent public, l’obscurité est totale. Le BOAMP, Bulletin Officiel des Annonces de Marchés Publics, se contente de donner un sommaire, mais ne donne aucun chiffre précis sur le montant attribué et la durée du contrat.

Dans l’hypothèse où le financement public serait suffisant, qui serait à même d’animer une telle ligne ? Un troisième candidat aurait postulé, non retenu selon le BOAMP, mais on ne sait rien de lui. Il faudrait une association active et indépendante, comme celles qui existent dans le domaine de l’alcool. Les groupes qui s’intéressent à la prise en charge psychologique des fumeurs sont rares et en général pauvres. N’ont pignon sur rue que les groupes Allen Carr, et quelques individualités intervenant en entreprise. J’ai toujours échoué à organiser des "groupes de parole" pour les fumeurs. Le seul succès que je connaisse est celui du RAVMO [8], dont les réunions sont très suivies et enrichissantes. Je le vois mal se porter candidat.

C’est pourquoi je suis très pessimiste quant à la possibilité d’une ligne indépendante d’aide aux fumeurs. Aucun organisme indépendant ne pourra ou ne voudra l’assumer. Cependant, L’English National Telephone Quitline a dû réussir cette gageure d’indépendance, pour en arriver à financer et publier l’étude de Ferguson. Il faudrait donc que l’INPES, organisme public, prenne directement en charge l’organisation de la ligne, et non qu’il tente de la déléguer par appel d’offres à n’importe qui. Encore faudrait-il qu’il soit lui-même libre d’influences ! À ce titre, dans plusieurs états des USA, une compagnie expérimentée ne peut postuler pour obtenir un contrat public si elle n’est pas membre du North America Quitlines Consortium, un organisme fondé par les firmes pharmaceutiques, ce qui donne la mesure de l’intérêt porté par Big Pharma aux quitlines, et la puissance de son influence sur les pouvoirs publics [9].

Telles qu’elles sont, les lignes d’aide me semblent plus nocives qu’utiles. Elles détournent les fumeurs des vraies solutions à leur problème, aux dépens de l’argent public. Si une condition absolue d’indépendance n’est pas assurée, il vaudrait mieux cesser de donner un label de service public à "Tabac-Info-Service", et laisser l’industrie financer elle-même en toute transparence ses promotions.

http://www.formindep.org/Les-conseilleurs-et-les-payeurs.html

alexandra

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Message  alexandra Jeu 13 Déc 2012 - 18:26

La guerre du snus
Interdire aux dépens de la santé ?


Exiger d’un Commissaire Européen qu’il démissionne n’est pas banal. C’est un épisode politique de la guerre économique que se livrent Big Pharma et Big Tobacco, sans se soucier du sort du fumeur, leur seule et unique victime.

La démission d’un Commisaire Européen est un évènement majeur. John Dalli, ex-ministre maltais de la politique sociale puis commissaire chargé de la Santé et de la Protection des consommateurs, s’y est vu contraint par M. Barroso, sous la menace d’être démis de ses fonctions. Une enquête de l’OLAF (Office européen de Lutte Anti-Fraude) avait montré qu’un maltais, M. Silvio Zammit, restaurateur et organisateur de tournées de cirque, s’était servi de ses relations avec M. Dalli pour tenter d’obtenir la levée de l’interdiction de la vente en Europe du snus, un tabac oral à sucer. Membre du Parti Nationaliste maltais comme M. Dalli, il avait été son agent électoral lors des dernières élections. Il avait organisé deux réunions entre M. Dalli et les lobbyistes du snus en 2010 et janvier 2012, dans le cadre d’activités normales de lobbying. Mais, pour le succès de sa démarche, il avait demandé à la firme suédoise Swedish Match qui produit le snus une grosse somme, 60 millions d’euros dit-on. En fait, Swedish Match a refusé cette transaction et aucun argent n’a été versé [1].L’enquête de l’OLAF a interviewé par deux fois M. Dalli, ainsi que d’autres personnes à Malte et à Bruxelles, mais finalement n’a rien retenu contre lui. Cependant elle conclut que certains éléments font penser que M. Dalli était averti des agissements de M. Zammit, et n’avait rien fait pour s’y opposer et les révéler. [2] .

M. Dalli dément formellement avoir été au courant. Il déclare que sa démission, le 11 octobre 2012, lui permet officiellement de préparer sa défense. Son innocence reconnue aurait dû empêcher son éviction. Il avait en charge la "Tobacco directive". Cette directive européenne prévoirait de renforcer les restrictions sur la promotion des cigarettes, d’interdire certains aromes, de standardiser la forme et l’aspect des cigarettes, et surtout de réglementer l’aspect des paquets qui, hormis les avertissements sanitaires, ne porteraient discrètement que la marque du fabricant, sans autre fioriture. L’interdiction du tabac sans fumée serait maintenue (excepté pour la Suède, qui avait fait de cette exception une condition à son adhésion à l’UE). Même les cigarettes électroniques seraient régulées quant à leur teneur en nicotine, ou simplement interdites selon les sources [3] [4]. M. Dalli devait proposer pour révision le projet de directive aux autres services de la commission avant le 22 octobre. Son départ en rend impossible l’adoption le 19 décembre, et risque même de renvoyer son application aux calendes grecques. Smokefreepartnership, un lobby "pour un monde sans tabac", voit dans ce retard et l’éviction de M. Dalli la main de l’industrie tabagière. Il relie ce feuilleton au cambriolage de ses locaux à Bruxelles dans la nuit du 17 au 18 octobre, où 3 ordinateurs portables ont été volés.

En 2004, les grandes multinationales du tabac avaient certainement vu d’un bon œil la décision de la Cour de Justice Européenne de ne pas revenir sur l’interdiction du snus en Europe, en vigueur depuis 1992. En fait, elle ne concernait que Swedish Match, bien plus petite société dont le snus aurait été un redoutable concurrent de leurs cigarettes. Mais ils ont depuis comblé leur retard. Reynolds fabrique et vend son Camel Snus®. Philip Morris, maintenant Altria, vend le Marlboro Snus® tout en continuant le Skoal Bandits® et a signé un accord avec Swedish Match pour la commercialisation du snus, hormis en Europe et aux USA. British American Tobacco en a appelé à Nicolas Sarkozy pour qu’il fasse pression pour la levée d’interdiction. Tous les tabagiers y auraient donc maintenant intérêt, ce qui explique la démarche du restaurateur maltais. Mais si la nouvelle directive était promulguée, ils ne pourraient se féliciter que de l’interdiction de la cigarette électronique. Leur stratégie est donc de torpiller la nouvelle directive, trop contraignante pour eux. Quant à la levée de l’interdiction du snus, elle pourrait être l’objet d’une nouvelle offensive.

En effet, pour qui se préoccupe réellement de santé publique, cette interdiction n’a pas de sens. Elle n’est guidée que par un combat idéologique contre tout ce qui touche au tabac. Or Richard Peto, l’épidémiologiste britannique collaborateur de Richard Doll, bien connus pour leur travail sur le rôle du tabac dans le cancer du poumon, ne déclarait-il pas que si les fumeurs utilisaient le tabac sans fumée plutôt que la cigarette, leur mortalité serait réduite de 90% [Figure 1]. C’est ce que confirme une étude de 2004 [5]. C’est pourquoi un groupe d’experts internationalement renommés a plaidé en 2003 pour la levée de cette interdiction [6]. L’un d’eux, Clive Bates, a d’ailleurs demandé récemment au nouveau commissaire Tonio Borg au nom de quelle éthique une autorité publique refuserait à un fumeur une solution alternative moins risquée pour sa santé [7]. Malgré leur appui, auquel s’est associé Lynn T. Kozlowski qui a dénoncé la duperie des cigarettes dites légères, la Cour de Justice a rejeté la demande de Swedish Match de lever l’interdiction pour l’Allemagne et le Royaume Uni. Les arguments des défenseurs du snus sont pourtant solides. Avec 16% de fumeurs, la Suède a réussi à obtenir la prévalence du tabagisme la plus faible au monde [8]. Le taux de cancers [Figure 2] y est aussi le plus faible du monde, en particulier du poumon [Figure 3], la moitié de celui des USA. C’est en grande partie dû à la large diffusion du snus chez les hommes, dont la moitié des fumeurs ont abandonné la cigarette. Des études récentes montrent que le snus n’accroît l’incidence d’aucun cancer, en particulier de l’oropharynx, malgré l’usage oral [Figure 4], ou de la vessie [9]. Il n’accroît pas le risque vasculaire [10]. Il n’accroît pas l’incidence d’infarctus [11]. Déjà, dans une revue générale que j’avais faite en 1987, je n’avais pu trouver aucun article faisant état d’artérites et d’accidents vasculaires liés au tabac sans fumée [12]. Par ailleurs l’argument qu’il constituerait une porte d’entrée des jeunes vers la cigarette n’a pas résisté à une enquête montrant que commencer par le tabac sans fumée n’est qu’un prédicteur mineur du passage au tabagisme fumé [13].

Force est donc de constater que les politiques publiques vont à l’encontre de la santé des fumeurs, en leur refusant la diminution du risque que peuvent apporter le snus ou la cigarette électronique, qui sont souvent des étapes vers l’arrêt total de la cigarette de tabac [14]. Elles se font au contraire les propagandistes des solutions médicamenteuses, pour l’instant inefficaces et coûteuses [15]. Elles mènent un combat contre les fumeurs, en prétendant les protéger.

Émotionnellement animés par un principe de précaution poussé au jusqu’auboutisme, et par un puritanisme militant, les activistes anti-tabac parviennent à influencer ces politiques publiques. Ils arrivent à faire accéder à des postes-clés des personnalités comme M. Dalli. Ce n’aurait pas été possible s’ils n’avaient le clair et puissant soutien des firmes pharmaceutiques qui vendent les médicaments de "sevrage tabagique". Les tabagiers réagissent. Comme toute guerre, celle qui se déroule entre Big Pharma et Big Tobacco ignore les arguments de raison. Les fumeurs continueront à en être les seules victimes.
http://www.formindep.org/La-guerre-du-snus.html

alexandra

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